Retenue à la source sur les sommes payées en rémunération de prestations utilisées en France

Les montants payés, en rémunération de prestations de toute nature fournies ou utilisées en France, par un débiteur y exerçant une activité, à une société qui n’a pas d’installation professionnelle permanente sur le territoire français, sont soumis à l’application d’une retenue à la source (CGI, art. 182 B, I, c).

En l’espèce, une société hongkongaise assurait des fonctions de conseil, de suivi et de surveillance des opérations de production et de contrôle qualité des fournisseurs locaux d’une société française qui leur faisait réaliser des emballages d’objets dans le domaine du luxe. Elle contrôlait également la conformité de la marchandise et de son conditionnement avant expédition des emballages vers la France.

La CAA de Versailles juge que ces prestations doivent être regardées comme ayant été utilisées en France, dès lors que le prestataire de services, établi à Hong-Kong, avait un rôle important dans le cycle de production et de distribution des produits commercialisés sur le territoire français. Au vu de la nature de ses missions, elle considère que la société hongkongaise était étroitement associée à leur fabrication et à leur distribution, et ce, même en l’absence de transfert de propriété des produits à la société française lors de la réalisation des prestations. Les sommes payées par la société française en rémunération de ces prestations doivent ainsi être soumises à une retenue à la source sur le fondement de l’article 182 B précité.

La CAA refuse, par ailleurs, à la société requérante, le bénéfice de la doctrine administrative selon laquelle « il est admis que les commissions versées à des personnes non domiciliées en France, en rémunération de démarches et diligences diverses effectuées à l’étranger, ne soient pas considérées comme des prestations utilisées en France » (BOI-IR-DOMIC-10-10 du 28 juillet 2016, n° 230). Selon les juges du fond, ces commentaires sont imprécis et ne peuvent pas comporter une interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle qu’elle a retenue. Cette tolérance administrative vient tempérer le principe en vertu duquel, « la fourniture d’informations d’ordre industriel, commercial ou scientifique ainsi que la fourniture d’études techniques dont les résultats sont effectivement utilisés en France » constituent des prestations utilisées en France (BOI-IR-DOMIC-10-10 du 28 juillet 2016, n° 230). La Cour semble bien se placer, en l’espèce, sur la recherche de l’utilisation effective des prestations réalisées par la société hongkongaise. Il serait intéressant que la discussion se poursuive devant le Conseil d’Etat afin que soient définis des critères permettant de caractériser l’utilisation en France d’une prestation.

 

L’avis du praticien : Nathalie Aymé, avocat associée

La question qui intéressera les importateurs français utilisant les services d’intermédiaires étrangers ne bénéficiant pas d’une exonération conventionnelle reçoit ici une précision jurisprudentielle sévère : s’il est relativement facile de trancher sur le lieu de fourniture des prestations en raison de l’élément matériel associé, la notion d’utilisation est plus floue, la prestation porte sur l’achat ou le bon achèvement de biens à l’étranger mais in fine transportés et distribués sur le marché français. Outre le rejet surprenant du BOFiP sur les commissions (qui se réfère implicitement au même critère matériel que pour les prestations fournies en France), le Conseil d’Etat a déjà jugé que des activités d’entremise n’entraient pas dans le champ de l’article 182 B dès lors que les intermédiaires concernés demeuraient à l’étranger, et ce même si les clients démarchés se rendaient ensuite en France pour y conclure des ventes (CE 27 janvier 1986 n° 49541).  

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Nathalie Aymé

Nathalie Aymé, Avocat Associée, intervient en fiscalité française et internationale pour le compte de groupes multinationaux, principalement dans les secteurs de l’industrie et des technologies et télécommunications. Elle assiste ses […]