Régime mère-fille : l’option reste possible jusqu’à l’expiration du délai de réclamation

Par cette décision (Conseil d’Etat, 20 décembre 2017, n° 414974, Société Worms et Cie), le Conseil d’Etat contredit la jurisprudence constante des juges du fond.

Pour mémoire, les modalités particulières d’option pour le régime mère-fille ne sont pas prévues par la loi. La doctrine administrative se borne, quant à elle, à indiquer que l’option est annuelle et qu’elle n’est soumise à aucune obligation déclarative particulière (BOI-IS-BASE-10-10-10-10, n° 30).

Les juridictions du fond considéraient que la non-inscription du montant des dividendes sur les imprimés de la déclaration d’un exercice constituait une décision de gestion privant la société mère de toute possibilité de revendiquer le régime mère-fille pour cet exercice, y compris par la production d’une déclaration rectificative (notamment, CAA Nantes, 27 décembre 2006, n° 06NT00022 et CAA Paris, 16 février 2012, n° 10PA00951). Leur analyse semblait reposer sur une jurisprudence ancienne du Conseil d’Etat selon laquelle, lorsqu’une option résulte d’une inscription sur une déclaration de résultat, l’abstention du contribuable d’user de cette faculté est une décision de gestion qui lui est opposable (CE, 12 février 1992, n° 78401, Sté hôtelière Lutétia Concorde).

Or, c’est précisément le caractère optionnel du régime mère-fille (depuis 1993) que contestait, en l’espèce, la société requérante, au regard du droit de l’Union européenne. Pour elle, le fait de subordonner l’accès au régime mère-fille à l’exercice d’une formalité constitue une condition non prévue par la directive, mesure restrictive de nature à priver les sociétés mères de son bénéfice. L’existence de cette option instaurerait, de surcroît, une différence de traitement selon que les sociétés mères reçoivent des produits de participation de filiales françaises (option nécessaire) ou européennes (possibilité de revendiquer l’application automatique du régime), en application de la jurisprudence Métro Holding.

Si le Conseil d’Etat rejette le recours en excès de pouvoir formé par la société contre la doctrine administrative précitée, écartant du même coup le débat sur l’existence d’une discrimination par ricochet, il apporte néanmoins une précision d’importance sur la nature de l’option. Il interprète la faculté offerte non comme une condition d’entrée dans le régime ou comme une décision de gestion opposable à la société, mais comme une possibilité de permettre à l’entreprise d’y renoncer si cela lui était plus favorable (cas sans doute très limités aujourd’hui). Il juge ainsi qu’une société qui n’a pas expressément renoncé au bénéfice du régime peut, dès lors que la loi n’a pas prévu que l’absence d’exercice de l’option dans le délai de déclaration entraîne la déchéance du droit de bénéficier de l’exonération, exercer cette option dans le délai de réclamation prévu à l’article R. 196-1 du LPF.

Il applique ainsi la solution récemment retenue selon laquelle le bénéfice d’un avantage fiscal résultant d’une déclaration peut être demandé par voie de réclamation (CE, 14 juin 2017, n° 397052, pour le prélèvement forfaitaire libératoire).

Cette décision n’est pas sans rappeler la solution retenue en matière de report en arrière des déficits. Le juge avait alors admis que, même si l’option pour le report en arrière d’un déficit doit, en principe, être souscrite en même temps que la déclaration des résultats de l’exercice, il est toujours possible pour l’entreprise de régulariser sa déclaration d’option jusqu’à l’expiration du délai de réclamation (CE, 23 décembre 2011, n° 338773).

Photo de Patrick Fumenier
Patrick Fumenier

Patrick Fumenier a été avocat associé en charge de développer le knowledge management au sein de Deloitte Société d’Avocats de septembre 2016 jusqu’à son départ du Cabinet en janvier 2020. […]