RAS de l’article 182 B : possible contestation par le bénéficiaire des revenus

La société non-résidente bénéficiaire des revenus soumis à la RAS de l’article 182 B peut valablement la contester, y compris dans l’hypothèse où ladite RAS n’aurait pas été spontanément prélevée.

L’histoire

Une SAEM (Société Anonyme d’Économie Mixte) a conclu avec la commune d’Antibes un contrat de concession en vertu duquel elle assure l’exploitation et la gestion d’un port de plaisance. Dans ce cadre, elle affecte les anneaux d’amarrage inoccupés à des usagers de passage, moyennant le paiement de redevances.

Pour ce faire, elle a conclu des conventions avec des sociétés étrangères, aux termes desquelles elle donne en location leurs anneaux d’amarrage, lorsque ceux-ci sont inoccupés, à des usagers de passage. En contrepartie, elle reverse aux sociétés étrangères les loyers afférents à cette location.

L’Administration a considéré que ces loyers entraient dans le champ de l’article 182 B du CGI, et a entendu prélever la RAS correspondante au titre des exercice 2009 à 2011.

S’en est suivi un long contentieux portant d’abord sur la compatibilité des dispositions de l’article 182 B avec le droit européen, en ce que cette RAS s’appliquait sur une assiette brute et non après déduction des charges supportées pour l’acquisition et la conservation des revenus (CE, 22 novembre 2019, n°423698, SAEM de gestion du Port Vauban). Le législateur en a d’ailleurs tiré les conséquences dans le cadre du PLF 2022 en adaptant la base des RAS.

Parallèlement à ce contentieux, l’une des sociétés étrangères (une société luxembourgeoise), bénéficiaire des revenus, a sollicité la décharge de la RAS mise en recouvrement au nom de la SAEM.

L’Administration, comme les juges du fond, ont toutefois considéré que dès lors qu’aucune RAS n’avait été prélevée, ni mise à la charge de la société luxembourgeoise, celle-ci n’était pas recevable à en demander la décharge.

La décision du CE

Alors même que la RAS de l’article 182 B doit être acquittée par le débiteur de ces revenus (CGI, art. 1671 A), il a été jugé par les juges du fond qu’elle pouvait être contestée aussi bien par le débiteur des revenus, que par le bénéficiaire (CAA Paris, 30 novembre 2000, n°96-2035, The Performing Right Society Limited).

Le Conseil d’État a également retenu la même solution pour des prélèvements comparables (dans le cas du 2 de l’article 119 bis du CGI, 15 décembre 2004 et 6 avril 2007, n°235069, Sté Denkavit International BV et SARL Denkavit France, pour le prélèvement de l’article 125 A du CGI, 18 juin 1980, n°20094).

Le Conseil d’État n’avait, semble-t-il, jamais eu l’opportunité de se prononcer dans l’hypothèse où la RAS n’a pas été prélevée par le débiteur et où des impositions supplémentaires sont ensuite mises à sa charge.

Au cas d’espèce , il admet la recevabilité de la requête de la société luxembourgeoise, en se fondant sur les 3 éléments suivants :

  • Lorsque la RAS n’a pas été spontanément opérée lors du versement des revenus, elle est alors établie sur une assiette augmentée du montant de la RAS non prélevée (calcul « en dehors ») ;
  • Cette RAS est imputable sur l’IR ou l’IS éventuellement dû en France par le bénéficiaire des revenus ;
  • Il résulte d’une jurisprudence constante des juridictions de l’ordre judiciaire que le responsable du paiement est fondé à en demander la restitution au bénéficiaire des revenus ( com., 12 février 2013, n°11-11.189, Bailleul c/ Sté Sea TPI).
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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.