« Rabot fiscal » : Exclusion des swaps de taux

Le Conseil d’État vient confirmer que les intérêts versés dans le cadre de contrats de swaps de taux ne constituent pas des charges financières à retenir dans le calcul de l’ancien mécanisme de limitation des intérêts (« rabot »).

On se souvient qu’au titre des exercices ouverts avant le 1er janvier 2019, les entreprises soumises à l’IS dont le montant des charges financières nettes atteignait au moins 3 m€ devaient réintégrer 25 % du montant de ces charges pour la détermination de leur résultat imposable (CGI, art. 212 bis ancien, mécanisme dit du « rabot »). Le concept de charges financières nettes était précisé par la loi : il s’agissait du total des charges financières venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition de l’entreprise, diminué du total des produits financiers venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition par l’entreprise.

Confirmant les décisions des juges du fond (TA Montreuil, 18 janvier 2018, n°1702561, CAA Versailles, 19 décembre 2019, n°18VE008268), le Conseil d’État vient de juger à son tour que ne constituent pas des charges financières nettes au sens de ces dispositions les intérêts versés et reçus dans le cadre de swaps de taux de couverture.

Pour le Conseil d’État, ces intérêts « ne rémunèrent pas des sommes laissées ou mises à disposition de l’entreprise, quand bien même ils seraient calculés sur un montant notionnel identique à celui de l’emprunt pour lequel le contrat d’échange sert d’instrument de couverture, voire sur un montant notionnel variable afin de tenir compte du calendrier de remboursement de cet emprunt ».

Cette solution infirme la position de l’Administration, qui considérait en effet que les intérêts de swaps de taux devaient être retenus dans l’assiette du « rabot » (BOI-IS-BASE-35-40, n°45 ancien). On observera qu’elle retenait en revanche la position inverse s’agissant des sommes relatives à des swaps de devises.

Rappelons que depuis le 1er janvier 2019, le dispositif du rabot a été remplacé par un autre dispositif de limitation des charges financières nettes (art. 212 bis et 223 B bis du CGI), dont le champ d’application est plus large.

En effet, le législateur est lui-même venu ajouter une liste de dispositions (CGI, art. 212 bis III) précisant un certain nombre d’éléments à prendre en considération parmi lesquels figurent :

  1. « Les intérêts payés au titre d’instruments dérivés ou de contrats de couverture portant sur les emprunts de l’entreprise » (catégorie qui vise expressément les swaps de taux)
  2. ­Les gains et pertes de change relatifs à des prêts, des emprunts et des instruments liés à des financements
  3. ­« les frais de garantie relatifs à des opérations de financement »
  4. ­« les frais de dossier liés à la dette »

On observera que certains praticiens, commentant la décision de la CAA de Versailles, avait toutefois considéré que cette solution conservait néanmoins tout son intérêt :

  • Quant à l’opportunité de déposer des réclamations contentieuses pour les paiements versés au titre de swaps de taux « vanille », sous réserve des délais requis. Pour les autres catégories de swaps de taux/autres types de swaps, une analyse devra être menée à la lumière de cette décision afin de déterminer si la solution est transposable. Au contraire, les entreprises qui ont perçu des paiements au titre de swaps, pourraient quant à elle invoquer la doctrine administrative plus favorable.
  • Quant à la définition du taux maximum de déduction des intérêts (art. 39,1,3° du CGI) : la position de l’Administration pencherait plus pour inclure les swaps de taux d’intérêt dans le calcul du taux d’intérêt intragroupe. Selon certains praticiens, cette décision permettrait davantage d’argumenter en sens contraire.
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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.