Projet de loi pour la croissance et l’Activité (Projet de loi Macron) : attributions gratuites d’actions et BSPCE

Après le rejet de la motion de censure présentée par l’opposition, le projet de loi est considéré comme adopté par l’Assemblée nationale, en 1re lecture. Les mesures initialement proposées par le Gouvernement et la Commission spéciale ont été aménagées et parfois complétées de dispositions nouvelles. Ce projet n’est pas encore définitif. Il doit prochainement être examiné par le Sénat.
Cela étant, il est dès à présent à noter que les dispositifs relatifs aux attributions gratuites d’actions et aux bons de souscriptions de parts de créateurs d’entreprise ont été l’objet d’aménagements favorables à leur développement.

Attributions gratuites d’actions (AGA)

En application des articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du Code de commerce, les sociétés par actions peuvent attribuer gratuitement leurs propres actions (actions existantes ou à émettre) à leurs salariés ou mandataires sociaux suivant un mécanisme qui fait courir deux périodes. La première, dite période d’acquisition, court de la date de la décision du conseil d’administration ou du directoire jusqu’à la date d’attribution définitive. Ce n’est qu’au terme de cette période que l’attribution devient définitive et que son bénéficiaire devient propriétaire des actions. Commence alors la seconde période, dite de conservation, au terme de laquelle le bénéficiaire de l’attribution gratuite peut céder les titres.

Pour les actions attribuées depuis le 28 septembre 2012, le gain d’acquisition, qui est égal à la valeur des actions reçues au jour de leur entrée dans le patrimoine, est imposé l’année de cession des actions, au barème de l’impôt sur le revenu selon les règles de droit commun des traitements et salaires. Ce gain d’acquisition est soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus d’activité (CSG au taux de 7,5 % et CRDS au taux de 0,5 %), étant précisé qu’une fraction de CSG (5,1 %) est déductible du gain taxable à l’impôt sur le revenu.

Par ailleurs, ce gain d’acquisition donne prise à une contribution salariale spécifique de 10 % ainsi qu’à une cotisation patronale spécifique de 30 %. Corrélativement, ce gain n’est pas soumis au forfait social (Code de la sécurité sociale, art. L. 137-15).

La plus-value résultant de la cession des actions, qui est égale à la différence entre leur prix de cession et leur valeur à la date de leur attribution définitive, c’est-à-dire au terme de la période d’acquisition, est imposée selon le régime de droit commun des plus-values de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux (CGI, art. 150-0 A).

Le régime des attributions gratuites d’actions serait aménagé sur ses trois volets, à savoir le juridique, le social et le fiscal.

En tout premier lieu, la période minimale d’acquisition qui était aujourd’hui fixée à 2 ans, serait réduite à 1 an. Quant à la période de conservation qui devait jusqu’à présent être d’au moins 2 ans, elle deviendrait facultative, étant précisé cependant que la durée cumulée des périodes d’acquisition et de conservation ne pourrait être inférieure à 2 ans, contre 4 ans jusqu’à présent. En pratique, les sociétés pourraient procéder à des attributions gratuites sur un format (1+1) ou (2+0) et non plus (2+2).

Par ailleurs, si le nombre total des actions attribuées gratuitement resterait plafonné à 10 % du capital social, ou 15 % pour les entreprises répondant à la définition européenne de petite ou moyenne entreprise, voire 30 % lorsque l’attribution bénéficie à l’ensemble des membres du personnel salarié de la société, le rapport de un à cinq du nombre d’actions distribuées à chaque salarié, qui devait jusqu’à présent être dans tous les cas respecté, ne serait plus applicable que lorsque le taux du capital mis en distribution est supérieur à 10 % (ou 15 % pour les PME).

S’agissant des prélèvements entre les mains des bénéficiaires, on retiendra que le gain d’acquisition :

  • serait imposé selon les principales modalités applicables aux plus-values mobilières, et qu’il bénéficierait notamment de l’abattement pour durée de détention décompté du jour de leur acquisition définitive (soit 50 % entre 2 et 8 ans et 65 % au-delà). Le cas échéant, l’abattement spécial de 500 000 € prévu pour les cessions de PME par leur dirigeant (CGI, art. 150-0 ter), pourrait également être appliqué
  • ne serait plus soumis à la contribution exceptionnelle de 10 % à la charge du salarié
  • serait corrélativement soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, soit un taux global de prélèvements sociaux de 15,5 % au lieu de 8 %

En ce qui concerne la société attributrice des actions gratuites, le taux de la contribution patronale spéciale serait abaissé à 20 % et celle-ci serait désormais due à la date d’acquisition réelle des actions et non plus à la date de mise en œuvre du plan. Cette contribution serait même supprimée pour les entreprises répondant à la définition de la PME européenne, à condition qu’elles n’aient procédé à aucune distribution de dividendes depuis leur création, et dans la limite d’un plafond, par salarié, égal au Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (soit pour 2015, 38 040 €) qui s’apprécie en faisant masse des actions gratuites dont l’acquisition est intervenue pendant l’année en cours et les trois années précédentes.

Malgré ces aménagements globalement favorables, on déplorera leurs modalités d’entrée en vigueur. En effet, ces mesures ne s’appliqueraient non pas pour les actions gratuites attribuées à compter du 1er janvier 2015 ou de la publication de la loi nouvelle, mais seulement à celles dont l’attribution sera autorisée par une décision de l’assemblée générale extraordinaire postérieure à la publication de cette loi nouvelle.

En pratique, il faut savoir que juridiquement, l’AGE autorise le conseil d’administration ou le directoire à procéder à une attribution gratuite d’actions dans un délai qui peut courir sur 38 mois, mais ne valide pas a posteriori les plans d’attribution. En d’autres termes, les dispositions nouvelles ne s’appliqueraient pas aux attributions décidées à compter de la publication de la loi nouvelle qui ont été autorisées dans les 38 mois précédents, mais seulement aux attributions qui seront effectuées en application d’une autorisation délivrée par l’AGE postérieurement à cette date de publication. Pendant près de 3 ans, selon la date de leur autorisation par l’AGE, les attributions gratuites pourraient ainsi être soumises à une réglementation différente et ce, même si les bénéficiaires en sont les mêmes.

Bons de souscriptions de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE)

Sous certaines conditions, et notamment d’être immatriculées au registre du commerce et des sociétés depuis moins de quinze ans et d’être détenues à hauteur de 25 % par des personnes physiques ou des personnes morales elles-mêmes détenues à hauteur de 75 % par des personnes physiques, les sociétés par actions passibles de l’impôt sur les sociétés en France peuvent créer des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) destinés à leurs salariés ou à leurs dirigeants soumis au régime fiscal des salariés. L’émission de ces bons est réservée aux sociétés non cotées et aux sociétés cotées sur un marché d’instruments financiers réglementé ou organisé d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen et dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d’euros.

Les gains réalisés par les bénéficiaires lors de la cession des titres souscrits en exercice de ces bons sont imposés à l’impôt sur le revenu comme plus-values de cession de valeurs mobilières au taux de 19 % ou de 30 % lorsque le bénéficiaire exerce son activité dans la société depuis moins de trois ans à la date de la cession (à ces taux s’ajoutent les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine). Ces gains ne peuvent bénéficier ni de l’abattement pour durée de détention, ni de l’abattement fixe de 500 000 € pour les dirigeants qui font valoir leurs droits à la retraite.

Ce régime ferait l’objet des aménagements suivants :

  • pour bénéficier du taux d’imposition forfaitaire de 19 % il serait précisé que l’activité doit avoir été exercée trois ans dans la société dans laquelle le cédant a bénéficié de l’attribution des bons. Cela étant, la durée d’activité exercée au sein d’une filiale à 75 % de la société émettrice ou dans une société mère la détenant à 75 %, serait désormais prise en compte pour l’appréciation de ces trois ans
  • les sociétés pourraient sous certaines conditions attribuer des BSPCE aux membres du personnel salarié et aux dirigeants soumis au régime fiscal des salariés des sociétés dont elles détiennent au moins 75 % du capital ou des droits de vote
  • une société créée dans le cadre d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes pourrait désormais, sous certaines conditions, attribuer des BSPCE
  • l’exclusion du droit à déduire du revenu imposable la fraction de 5,1 % de la CSG frappant les gains de cessions de BSCPE (8,2 %) déjà prescrite par la doctrine administrative serait légalisée.

Ces dispositions s’appliqueraient aux bons attribués à compter de la publication de la loi nouvelle, à l’exception de la non-déductibilité de la CSG qui, elle, s’appliquerait pour l’imposition des revenus de toute l’année 2015.

Photo de Patrick Fumenier
Patrick Fumenier

Patrick Fumenier a été avocat associé en charge de développer le knowledge management au sein de Deloitte Société d’Avocats de septembre 2016 jusqu’à son départ du Cabinet en janvier 2020. […]