Produits vendus sous marque de distributeur : un nouveau guide des bonnes pratiques !

La Commission d’examen des pratiques commerciales (« CEPC » ou « Commission ») est une instance consultative, qui veille à l’équilibre des relations entre producteurs, fournisseurs et revendeurs au regard de la législation en vigueur. Le 23 septembre 2020, la CEPC a été saisie par le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation et la ministre déléguée en charge de l’Industrie, « aux fins de dresser un état des lieux du marché des marques de distributeur, d’en rappeler l’encadrement juridique et règlementaire, de recenser, d’une part, les bonnes pratiques qui pourraient être mises en œuvre dans les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs de marques de distributeurs et, d’autre part, celles pouvant potentiellement constituer des pratiques restrictives de concurrence (…) ».

C’est dans ce contexte que, 10 ans après sa première recommandation en la matière (n° 10-1), la CEPC a adopté, le 17 décembre dernier une recommandation relative aux bonnes pratiques en matière de contrats sur les produits sous marque de distributeur (« MDD »).

A quoi sert ce guide ?

Ce nouveau guide des bonnes pratiques, non exhaustif selon la CEPC, a pour vocation de s’appliquer à l’ensemble des relations entre le fabricant de produits vendus sous MDD et le distributeur, de la phase précontractuelle, négociation de gré à gré ou procédure d’appel d’offres, jusqu’à l’extinction du contrat.

Après un état des lieux du marché et un rappel de la qualification juridique (i) des produits vendus sous MDD (Article R.412-7 du code de la consommation) et (ii) du contrat portant sur un produit vendu sous MDD (Cass com 3 janvier 1995, 92.20.735 et Note d’information de la DGCCRF n°2014-149 du 22/10/2014), la CEPC précise sa position, en rappelant que le cahier des charges, élaboré par le distributeur et remis au fournisseur, détaillant les spécificités de la demande du distributeur et permettant, après discussion, de former le contrat, est l’élément central qui détermine le périmètre des droits et obligations des parties.

La première étape commence donc par la définition des besoins du distributeur au sein d’un cahier des charges, comportant l’expression de son besoin « sur le plan commercial, marketing, qualité, juridique et logistique » (recommandation n°20-2, §III, 1-1). Ce cahier des charges permet ensuite de solliciter un fabricant, au moyen d’une négociation de gré à gré ou par une procédure d’appels d’offre.

Quelles sont les 6 étapes pour la formalisation d’un contrat de fabrication de gré à gré ?

La CEPC identifie 6 grandes étapes pour la formalisation d’un contrat de fabrication de gré à gré :

  1. La transmissions des caractéristiques du produit à développer
  2. La demande contenant des objectifs de durée (déterminée ou non) et des objectifs de volume prévisionnel
  3. Le calendrier prévisionnel de la mise à disposition des produits
  4. L’envoi de l’offre en réponse par le fabricant, contenant notamment les éléments constitutifs du prix. La CEPC rappelle par ailleurs l’obligation précontractuelle d’information du fabricant sur les spécificités et contraintes de fabrication ayant un impact sur le cahier des charges
  5. L’échange entre les parties
  6. Les tests des produits et audit qualité ainsi que les schémas logistiques retenus

Qu’en est-il du cahier des charges lors d’une procédure d’appel d’offres ?

S’agissant de la procédure d’appel d’offres, la CEPC recommande que le cahier des charges soit suffisamment précis afin de permettre aux candidats :

  1. D’évaluer au mieux le contenu et les conditions d’intervention dans des délais suffisants
  2. D’apprécier les volumes couverts par l’appel d’offres (dans la mesure du possible concernant un lancement de produit)
  3. D’identifier et de repartir les coûts (notamment le coût des prestations marketing, développement, qualité) et les contraintes (saisonnalité, durabilité…)
  4. D’apprécier leur capacité à s’engager dans ce type de relation commerciale dans la durée, en particulier s’il s’agit d’une relation à durée indéterminée
  5. D’identifier le plus clairement possible les critères de sélection du fabricant (segmentation, prix, qualité, RSE, etc.)

Par ailleurs, la CEPC recommande aux distributeurs de ne pas directement viser des produits ou marques concurrents, mais de définir le positionnement du produit à développer au sein d’une catégorie déterminée.

Il est également recommandé de définir, pour chaque étape de l’appel d’offres, un calendrier précis.

Ce calendrier doit notamment prévoir :

  1. Le délai estimé d’examen de l’offre
  2. La date estimée du résultat de l’appel d’offres
  3. La date estimée de mise en production des produits MDD envisagés

En toute hypothèse, quel que soit le procédé considéré, il est recommandé aux candidats de préciser dans leurs réponses les conditions d’exécution des cahiers des charges, le savoir-faire, les spécificités et contraintes qui lui incombent.

Quelles recommandations pour la phase précontractuelle ?

L’ensemble des informations communiquées durant cette phase précontractuelle est soumis au secret des affaires et doit être protégé à ce titre.

S’agissant de la phrase contractuelle, la CEPC a identifié 11 points majeurs :

  1. La formalisation de l’accord des parties se matérialise par un contrat reprenant les éléments du cahier des charges et ceux ayant fait l’objet d’un accord commun. La CEPC recommande que l’accord précise la liste exhaustive de tous les documents engageant les parties.
  2. Concernant la durée, la CEPC relève qu’un contrat portant sur des produits vendus sous MDD implique la mise en place d’un partenariat, et donc, des investissements et des développements réalisés par chacune des parties. Compte tenu de ces éléments et de la période d’amortissement de ces développements, la CEPC recommande la conclusion de contrats de moyen ou long terme (hormis pour les cas spécifiques comme les produits saisonniers).
  3. La CEPC rappelle que le prix d’achat (ou les critères de détermination de ce prix) des matières premières agricoles doit être mentionné dans le contrat. Le fabricant doit par ailleurs communiquer les indicateurs applicables et retenus pour la détermination du prix. Un mécanisme de révision du prix permettant de prendre en compte les fluctuations des composants du prix est recommandé par la Commission. Cette dernière recommande également que les parties précisent clairement les modalités de déclenchement et de mise en œuvre de cette clause (Conformément aux dispositions de l’article L. 441-8 du code de commerce).
  4. Concernant les volumes, le guide recommande d’anticiper les variations de volume et de prévoir les délais de prévenance nécessaires au fabricant pour anticiper, organiser et optimiser sa production. Cela se traduit selon la Commission par la détermination d’un système d’alerte et d’échanges d’informations périodiques entre les parties, tout au long de la durée du contrat.
  5. La répartition des coûts (frais d’agence, coûts d’analyses, emballages, etc.) entre le distributeur et le fabricant doit être précisée dans le contrat, ainsi que les délais, et notamment ceux liés aux créations d’étiquettes, adaptations et traductions, renouvellements des emballages des produits et des visuels, audits spécifiques, etc…
  6. Le développement de la notoriété du produit, par la mise en place d’opérations promotionnelles, ne semble pas adapté au cas des MDD qui, selon la Commission, sont des produits de fidélisation à l’enseigne et non au fabricant. Cependant, compte tenu de la liberté du distributeur de fixer sa politique commerciale, la Commission recommande d’informer, à titre confidentiel, le fabricant des opérations envisagées, afin de lui permettre d’anticiper et d’organiser sa production.
  7. Concernant les difficultés d’écoulement des produits ayant une date limite, non imputables au fabricant, les parties doivent faire leurs meilleurs efforts pour trouver un débouché pour ces produits.
  8. S’agissant des audits et tests qualité, réalisés aussi bien en phase précontractuelle qu’au cours du contrat, il est recommandé que l’accès donné aux auditeurs soit réalisé dans des conditions assurant la confidentialité des informations. Les démarches doivent être encadrées par des engagements réciproques de confidentialité.
  9. Nonobstant le droit de propriété du distributeur sur la marque sous laquelle sont commercialisés les produits MDD, certains éléments immatériels peuvent être protégés par des droits de propriété intellectuelle (PI) ou encore relever du secret des affaires. Il peut s’agir notamment de la recette, du procédé de fabrication ou encore du savoir-faire. La Commission recommande la conclusion de clauses de confidentialité adaptées pour protéger, de manière réciproque, les droits de PI de chacune des parties.
  10. En cas de retrait ou de rappel de produit, la CEPC recommande qu’un échange contradictoire et argumenté soit respecté.
  11. Enfin, la Commission recommande que le mode opératoire des recours en garantie (dans le cadre de la mise en jeu de la garantie ou de la responsabilité du distributeur) soit précisé dans le contrat, tout comme les modalités d’assurance du fabricant.

Quelles recommandations pour la phase de fin du contrat ?

S’agissant de la « fin du contrat », la CEPC émet des recommandations d’une part sur la durée du délai de préavis, qui doit être conforme aux dispositions de l’article L. 442-1 du code de commerce, et d’autre part, sur les modalités de résolutions des litiges.

Concernant la durée du préavis, la Commission recommande qu’une durée minimale soit définie au sein du contrat, en prenant en compte les éléments suivants :

  1. La durée de la relation entre les parties
  2. L’importance des actifs spécifiques engagés par les cocontractants (tels que les investissements industriels spécifiques)
  3. La durée raisonnable pour retrouver une solution de substitution à la perte de marché
  4. La part du chiffre d’affaires réalisé sur le(s) produit(s) en cause dans le total du chiffre d’affaires du fabricant
  5. L’état de dépendance économique éventuel.

Il est également recommandé de prévoir dans le contrat, le sort des emballages, produits finis mais aussi des stocks éventuels (supérieurs aux quantités prévues) en cas de cessation du contrat.

Quel mode de résolution des conflits ?

Enfin, la CEPC encourage vivement les parties à recourir aux modes de résolution amiables des conflits, « notamment la médiation ». Pour la Commission cette solution se justifie parce que les relations contractuelles de MDD étant « généralement durables ; la médiation permet ainsi aux parties de construire, d’un commun accord, les meilleures voies de coopération et/ou de régler pour le futur des désaccords antérieurs. ».

Ces recommandations ne sont pas impératives, la CEPC étant un instrument de droit informe (« soft law »), la loi précisant même que ses avis ne lient en rien le juge. Cela ne doit toutefois pas amener à sous-estimer les bonnes pratiques qui constituent ainsi un standard (la « norme ») dont il faut tenir compte pour minimiser les risques d’une contestation future.

Photo de Muriel Féraud-Courtin
Muriel Féraud-Courtin

Muriel Féraud-Courtin, Avocat Associée, a acquis une expérience de plus de 25 ans en droit des affaires et travaille en étroite coopération avec les avocats du réseau international Deloitte Legal. […]

Charlotte Cazalis

Charlotte est avocate en droit des affaires. Elle rejoint le cabinet Deloitte Société d’Avocats en 2017. Elle conseille des clients nationaux et multinationaux en droit commercial aussi bien en conseil […]