Une preuve toujours plus exigeante !

Lorsque l’Administration entend réintégrer une fraction du prix global facturé à une entreprise française au titre de prestations distinctes dont certaines seulement sont dépourvues d’intérêt pour son exploitation, elle doit établir, pour bénéficier de la présomption de l’article 57 du CGI, que le montant des honoraires litigieux était injustifié au regard des prix de pleine concurrence, ou excessif au regard de leur valeur vénale.

On sait que l’Administration bénéficie d’une présomption de transfert indirect de bénéfices à l’étranger lorsqu’elle établit l’existence d’un lien de dépendance de droit ou de fait entre une entreprise française et une entreprise étrangère, ainsi que l’octroi d’avantages sans contrepartie consentis par la première à la seconde, sous forme de majorations ou minorations de prix, ou de tout autre moyen analogue (CGI, art. 57).

Il est de jurisprudence constante que pour démontrer l’existence de tels avantages, l’Administration doit procéder par comparaison interne ou externe avec les prix pratiqués par l’entreprise française avec des fournisseurs non liés, ou par des entreprises similaires exploitées normalement avec des fournisseurs non liés, sans que l’écart de prix ne s’explique par une situation différente de ces fournisseurs (CE, décisions du 7 novembre 2005, n° 266436, Min c/ Sté Cap Gemini et du 16 mars 2016, n° 372372, Société Amycel ; pour une application récente V. décisions du 6 juin 2018, n° 409645 et n° 409647, GE Healthcare Clinical Systems).

Le Conseil d’Etat précise l’exigence de cette démonstration préalable lorsque l’Administration entend remettre en cause partiellement la déduction d’honoraires, facturés pour un prix global au titre de prestations distinctes dont certaines sont dépourvues d’intérêt pour l’exploitation de l’entreprise.

En l’espèce, une société française avait conclu une convention d’assistance avec une société néerlandaise portant, en contrepartie du versement annuel d’honoraires, sur deux types de prestations de services respectivement sous-traitées auprès de deux autres sociétés. Les honoraires payés par la société française rémunéraient à la fois des prestations réalisées dans son intérêt (prestations de stratégie d’investissement) et des prestations qui n’étaient pas réalisées dans son seul intérêt (prestations de nature administrative, juridique, comptable et financière). En l’absence de distinction entre ces deux catégories de prestations dans la détermination du montant des honoraires, il revenait à l’Administration d’établir que le montant des honoraires litigieux était injustifié au regard du prix de pleine concurrence i.e au regard du prix pratiqué entre sociétés indépendantes pour des prestations équivalentes, ou excessif au regard de leur valeur vénale.

Faute d’établir cette preuve, la présomption de l’article 57 du CGI ne peut pas valablement être mise en œuvre.

Avis des praticiens : Aymeric Nouaille-Degorce et Grégoire de Vogüé

Un arrêt qui rappelle la charge de la preuve qui incombe à l’Administration pour l’application de l’article 57 du CGI. Il pourrait être utilement invoqué à propos de redevances, lorsque celles-ci couvrent l’utilisation d’incorporels multiples (brevets, marques, savoir-faire) et que l’Administration conteste le montant total de la redevance en invoquant l’absence de bénéfice retiré de certains de ces incorporels.

Aymeric Nouaille-Degorce

Aymeric Nouaille-Degorce, Avocat Associé, exerce au sein de l’équipe Prix de Transfert. Il a plus de 25 ans d’expérience en prix de transfert, dont six passés à Washington au sein […]

Grégoire de Vogüé

Grégoire de Vogüé, Avocat Associé, est en charge de l’équipe Prix de Transfert. Il a acquis une expérience de plus de 20 ans sur toutes les questions relatives au prix […]