Point sur les projets de lois en cours d’examen

Au lendemain des vacances parlementaires, nous vous proposons de faire le point sur les mesures du projet de loi Sapin II et du projet de loi pour une République numérique qui intéressent vos activités.

Le projet de loi pour une République numérique prévoit l’extension et la prorogation du sur-amortissement de 40 % (Stricto sensu Mai 2016, N° 81, p. 4 et 5). Après avoir été examiné par les deux chambres, il a fait l’objet d’un texte de compromis à l’issue de la commission mixte paritaire réunie le 29 juin dernier, étant précisé que l’article relatif au sur-amortissement Macron a été adopté en l’état. Ce texte de compromis a été formellement adopté par l’Assemblée nationale le 20 juillet, et vient de l’être par le Sénat.

Le projet de loi Sapin II sur la transparence de la vie économique contient plusieurs mesures sensibles relatives, notamment, aux obligations déclaratives en matière de prix de transfert, ainsi qu’au mécanisme d’auto-liquidation de la TVA à l’importation. Dans l’attente de leur examen en 2e lecture et de leur vote définitif, nous retiendrons spécialement les mesures suivantes, qui ont été adoptées dans des termes très proches par l’Assemblée nationale et le Sénat, à l’exception notable de celle relative à l’instauration d’un mécanisme de Country-by-Country reporting (CbCR) public à la française.

Instauration d’un public CbCR français

Alors que les sénateurs souhaitent aligner strictement le champ d’application de cette obligation déclarative nouvelle sur la proposition présentée au niveau européen dans le cadre de la révision de la Directive comptable (Stricto sensu Mai 2016, N° 81, p. 5), les députés entendent, eux, s’en écarter sur certains points : abaissement dégressif du seuil de chiffre d’affaires, modalités de présentation des données relatives aux juridictions fiscales hors UE.

Cette obligation concernerait, en tout état de cause, dans un premier temps, les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions €. Mais ce seuil pourrait ensuite être abaissé à 500 millions €, puis à 250 millions €, respectivement 2 puis 4 ans après l’entrée en vigueur du mécanisme nouveau, sous l’impulsion de l’Assemblée nationale.

INSTAURATION D’UN MÉCANISME DE COUNTRY-BY-COUNTRY REPORTING (CBCR) PUBLIC À LA FRANÇAISE.

Les informations devant être communiquées par les entreprises seraient les suivantes :

  • une brève description de la nature des activités
  • le nombre de salariés
  • le montant du chiffre d’affaires net
  • le montant du résultat avant impôt sur les bénéfices
  • le montant d’impôt sur les bénéfices acquitté, accompagné d’une explication sur les discordances éventuelles avec le montant d’impôt dû, le cas échéant, en tenant compte des montants correspondants concernant les exercices financiers précédents
  • le montant des bénéfices non distribués.

 

Ces informations devraient être communiquées pour chaque Etat membre de l’UE dans lesquels la société exerce une activité. Il en irait de même s’agissant des Etats figurant sur la liste noire commune de l’UE (en cours d’élaboration, mais non finalisée pour l’heure). S’agissant des Etats tiers, le degré de précision des éléments communiqués (toutes les informations ou sous forme agrégée) dépendrait du nombre d’entreprises liées y étant situées, nombre devant être fixé par un décret à venir.

Les modalités pratiques de publication de ces informations seraient toutefois déterminées ultérieurement par un décret. Il est cependant d’ores et déjà précisé qu’il appartiendra aux commissaires aux comptes d’attester, dans un rapport spécifique, de l’établissement et de la publication des informations requises.

Les députés et les sénateurs se sont entendus pour fixer l’entrée en vigueur de cette obligation au lendemain de la date d’entrée en vigueur de la Directive comptable révisée, et au plus tard le 1er janvier 2018.

Champ d’application du CbCR français entre administrations fiscales

La mesure qui tendait à abaisser de 750 à 50 millions € le seuil d’application de l’obligation issue du PLF 2016 (CGI, art. 223 quinquies C), a été supprimée.

Obligation déclarative annuelle allégée en matière de prix de transfert

Pour rappel, les entreprises qui sont concernées par l’obligation de présentation d’une documentation sur les prix de transfert en cas de contrôle fiscal (LPF, art. L. 13 AA), sont tenues de transmettre les principaux éléments de leur documentation à l’Administration dans un délai de 6 mois suivant la date limite de dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice (CGI, art. 223 quinquies B).

Sont ainsi plus particulièrement visées les entreprises qui :

  • réalisent un chiffre d’affaires annuel hors taxes ou ont un actif brut supérieur ou égal à 400 millions €
  • ou qui détiennent à la clôture de l’exercice, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d’une entité juridique qui satisfait aux mêmes critères financiers ou qui sont détenues de la même manière par une telle entité
  • ou qui font partie du périmètre d’un groupe intégré fiscalement (CGI, art. 223 A) si ce groupe comprend au moins une personne morale qui satisfait à l’une des deux conditions précédentes.

 

Le seuil de 400 millions € a été abaissé à 50 millions €, dans les mêmes termes par les députés et les sénateurs. Cette mesure présente donc un caractère définitif, sous réserve de l’adoption formelle de la loi, et devrait s’appliquer aux déclarations devant être déposées au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2016.

Application immédiate des sanctions en cas d’inscription sur la liste des ETNC

On sait que, lorsqu’un Etat est inscrit sur la liste des Etats et territoires non coopératifs (ETNC), l’application des mesures fiscales dissuasives liées à cette inscription n’est effective qu’à compter du 1er janvier de l’année suivante.

Ces mesures fiscales dissuasives s’appliqueraient désormais à compter du premier jour du troisième mois suivant la date de publication de la liste des ETNC au titre d’une année. Les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat disposeraient d’un mois pour rendre leur avis sur le projet d’arrêté fixant la liste des ETNC.

Auto-liquidation de la TVA d’importation

La loi pour l’économie bleue (loi n° 2016-816 du 20 juin 2016, JO du 21), a prévu un élargissement de la procédure d’auto-liquidation de la TVA à l’importation pour les opérateurs assujettis à la TVA et établis sur le territoire de l’UE. Cette disposition est entrée en vigueur depuis le 22 juin.

Dans le cadre des discussions sur la loi Sapin II, le Gouvernement a fait adopter par l’Assemblée nationale et le Sénat un amendement modifiant ce dispositif. On retiendra notamment que :

  • le mécanisme d’option serait remplacé par un mécanisme d’autorisation préalable qui serait délivrée par les douanes (applicable que l’assujetti soit établi sur le territoire de l’UE ou non)
  • 4 conditions devraient être remplies par les assujettis établis sur le territoire de l’UE pour être éligibles au bénéfice de la mesure, et notamment justifier d’une solvabilité financière suffisante (situation financière permettant de s’acquitter des engagements au cours des 12 derniers mois qui précèdent la demande). Si l’entreprise est un OEA (opérateur économique agréé), les conditions seraient réputées remplies
  • pour les assujettis établis hors de l’UE, leur représentant en douane devrait être un OEA
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Patrick Fumenier

Patrick Fumenier a été avocat associé en charge de développer le knowledge management au sein de Deloitte Société d’Avocats de septembre 2016 jusqu’à son départ du Cabinet en janvier 2020. […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.