PLF 2018 – Lecture définitive – Fiscalité des entreprises

Après la censure par le Conseil constitutionnel d’une disposition relative au sort des usufruits légaux dans le cadre du nouvel impôt sur la fortune immobilière, la loi de finances pour 2018 (loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017) a été publiée au JO du 31 décembre 2017. Nous vous en présentons les mesures les plus marquantes en matière de fiscalité des entreprises.

Pour une approche synthétique des mesures les plus marquantes en matière de fiscalité des entreprises et de fiscalité des personnes, nous vous invitons à consulter notre Stricto Sensu Spécial Loi de finances

Baisse programmée et progressive du taux de l’IS (art. 84)

Pour mémoire, la LF 2017 prévoyait de ramener le taux normal de l’IS de 33 1/3 % à 28 % de façon progressive et par paliers entre 2018 et 2020, selon un cadencement impactant les entreprises de manière différenciée, en fonction de leur chiffre d’affaires.

La LF 2018 maintient, pour 2018, la réduction du taux à 28 % pour tous les bénéfices inférieurs à 500 000 €. En revanche, les modalités de baisse du taux de droit commun entre 2019 et 2022 sont revues et étendues. Une baisse progressive bénéficiant à toutes les entreprises sur l’ensemble de leurs bénéfices est programmée pour cette période, pour atteindre 25 % en 2022, soit un taux marginal de 25,8 % avec la contribution sociale sur l’IS de 3,3 % qui est maintenue.

Trajectoire de la baisse du taux de droit commun de l’IS

Tableau TLS

Le taux réduit de 15 % au bénéfice des PME reste applicable. Toutefois, l’extension, à compter du 1er janvier 2019, du bénéfice de ce taux réduit aux entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 M€, qui avait été adoptée dans le cadre de la LF 2017, est supprimée. Ce taux demeure donc réservé aux entreprises de moins de 7,6 M€ de chiffre d’affaires dans la limite de 38 000 € de résultat.

Actualisation des taux de retenue à la source

Des mesures de coordination portant sur les retenues à la source ou les dispositifs faisant référence au taux normal de l’IS sont prévues en cohérence.

Retenue à la source sur certains revenus non salariaux (CGI, art. 182 B)

A compter du 1er janvier 2019, le taux applicable sera le taux normal de l’IS en vigueur (et variera donc à la baisse en fonction de l’année d’imposition concernée). En pratique, il demeure ainsi fixé à 33 1/3 % en 2018 et passera à 31 % en 2019.

Retenue à la source sur les revenus distribués à des non-résidents (CGI, art. 119 bis)

Le taux de la retenue à la source actuellement fixé à 30 % (CGI, art. 187, 1, al. 5) est aligné sur celui de l’IS au taux normal en vigueur (et variera donc à la baisse en fonction de l’année d’imposition concernée). Cette mesure ne s’appliquera qu’aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, lorsque le taux de droit commun de l’IS passera à 28 % (sous la barre des 30 %).

Prélèvement de l’article 244 bis

A compter du 1er janvier 2019, le taux du prélèvement de 33 1/3 % sera remplacé par le taux normal de l’IS en vigueur (et variera ensuite à la baisse en fonction de l’année d’imposition concernée).

Prélèvement de l’article 244 bis B

Le taux du prélèvement de 45 % est remplacé par celui de l’IS au taux normal en vigueur (et variera donc à la baisse en fonction de l’année) pour les cédants personnes morales (bien que le renvoi des textes présente une petite incohérence). Il sera donc abaissé à 33 1/3 % en 2018 et passera à 31 % en 2019, suivant la trajectoire de la baisse programmée.

Aménagements corrélatifs des dispositifs anti-abus

Entreprises versant des redevances de concession de droits de la propriété industrielle puis sous-concédant à leur tour ces droits lors d’un exercice ultérieur (CGI, art. 39, 12 bis, al. 3)

Pour mémoire, en pareille hypothèse, si l’entreprise concessionnaire ne peut établir la réalité et la rentabilité de la concession, une fraction des redevances déduites de son résultat imposable au taux normal doit être réintégrée. Ainsi, les redevances déduites du résultat imposable au taux normal au cours des exercices qui précèdent celui de la mise en sous-concession sont rapportées au résultat imposable au taux normal de cet exercice à hauteur de (18,1/3)/(33,1/3) de leur montant.

A compter du 1er janvier 2018, la fraction des redevances devant être rapportée est désormais calculée par référence à l’article du CGI relatif aux taux normal et réduit de l’IS. La formule sera donc la suivante : (taux normal de l’IS en vigueur – taux réduit de 15 %)/(taux normal de l’IS en vigueur).

Règle « anti-hybride » (CGI, art. 212 I b)

La déduction des intérêts servis à une entreprise liée n’est possible que si l’entreprise ayant versé les intérêts démontre, à la demande de l’Administration, que l’entreprise prêteuse est assujettie au titre de l’exercice en cours à raison de ces mêmes intérêts à une imposition minimale égale au quart de l’impôt sur les bénéfices déterminé dans les conditions de droit commun. Il est désormais expressément renvoyé au taux normal de l’IS en vigueur. La question se pose de savoir si la doctrine administrative aux termes de laquelle il doit être également tenu compte des contributions additionnelles à l’IS (BOI-IS-BASE-35-50, n° 40) est remise en cause.

 

« Amendement Carrez » : exclusion des sociétés européennes du dispositif (art. 38)

Pour l’application du mécanisme de limitation des charges financières liées à l’acquisition de titres de participation (« amendement Carrez », CGI, art. 209, IX), les sociétés sises dans un État membre de l’UE ou de l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales (Islande, Norvège et Liechtenstein) seront désormais assimilées aux sociétés françaises. En pratique, si une société française acquiert une participation dont la gestion et le contrôle sont assurés par une société établie dans l’un de ces Etats, le mécanisme de réintégration ne s’appliquera pas.

Il sera donc maintenu dans la seule hypothèse où le pouvoir de gestion est exercé dans un Etat non UE ou EEE.

La mesure s’applique, faute d’entrée en vigueur spécifique, aux exercices clos à compter du 31 décembre 2017. Si les acquisitions réalisées au titre d’exercices clos à compter de cette date sont donc nécessairement concernées, la question se pose de savoir si, pour des acquisitions réalisées au titre d’exercices antérieurs et qui se trouveraient désormais hors du champ d’application du dispositif, la réintégration pourrait être interrompue. On attendra la confirmation par l’Administration de l’interruption des périodes de réintégration en cours.

Pour mémoire, le projet de texte initial prévoyait la suppression pure et simple du dispositif. Pour autant, le dispositif a été rétabli, contre l’avis du Gouvernement, en première lecture, et aménagé afin de lever tout doute quant à sa conformité au droit de l’Union européenne.

 

Alignement de l’obligation documentaire en matière de prix de transfert sur le standard BEPS Action 13 (art. 107)

L’article L. 13 AA du LPF est intégralement refondu aux fins de viser l’intégralité des informations prévues par l’Action 13 du projet BEPS (voir également sur le sujet : PLF 2018 – Lecture définitive – Contrôle fiscal).

 

Suppression de la contribution additionnelle de 3 % sur les revenus distribués (art. 37)

La contribution additionnelle de 3 % sur les revenus distribués (CGI, art. 235 ter ZCA) est (formellement) supprimée pour les montants mis en paiement à compter du 1er janvier 2018.

Rappelons toutefois que le Conseil constitutionnel a récemment prononcé l’inconstitutionnalité dans sa globalité de cette contribution. Cette déclaration de non-conformité a pris effet à compter de la date de la publication de la décision (soit le 8 octobre 2017) et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date. Ainsi, les montants mis en paiement depuis le 8 octobre dernier ne donnent déjà plus prise à la taxe de 3 %. En outre, les sociétés n’ayant pas encore réclamé peuvent le faire, sous réserve du respect des délais de prescription.

La mesure prévue par la loi de finances pour 2018 présente donc l’intérêt de supprimer de l’ordre juridique toute référence à cet article (et non seulement son premier alinéa, seul censuré), même si en pratique, aucune conséquence n’en résultera.

 

TTF : pas d’extension aux transactions intra-day (art. 39)

L’assiette de la taxe sur les transactions financières (CGI, art. 235 ter ZD) ne sera finalement pas étendue aux transactions intra-day (opérations d’acquisition d’un titre non matérialisées par une inscription en compte et précédées ou suivies de ventes du même titre au cours d’une même journée). Pour mémoire, une telle extension (très contestée) avait été adoptée dans le cadre de la LF 2017, pour une application différée au 1er janvier 2018, qui ne prendra donc pas effet.

Le Gouvernement, à l’origine de cette mesure, mettait en avant les impacts potentiels de cette extension sur la compétitivité de la place financière de Paris, mais également la nécessité de tenir compte des perspectives liées au Brexit et, de façon plus pratique, les difficultés liées à la mise en œuvre du dispositif.

A titre de comparaison, on notera que l’Italie, la Suisse ou encore le Royaume-Uni ont également mis en place une taxe de même nature. Néanmoins, aucune d’entre elles n’est applicable aux opérations intra-day.

Parallèlement, des négociations menées dans le cadre d’une procédure de coopération renforcée sont en cours depuis 2011 pour la mise en place d’une TTF européenne mais n’ont, pour l’heure, pas abouties. En octobre 2016, les ministres des Finances des Etats membres (France, Allemagne, Belgique, Portugal, Autriche, Slovénie, Grèce, Espagne, Italie, Slovaquie), engagés dans cette coopération renforcée, sont tombés d’accord sur les principes de son fonctionnement. Néanmoins, si une décision était à l’époque espérée pour la fin de l’année 2016, il n’en a rien été, à la suite de la défection de plusieurs pays.

 

CICE : baisse du taux, avant suppression programmée (art. 86)

Le taux du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) est réduit à 6 % au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2018 (au lieu de 7 % en 2017).

Pour mémoire, ce crédit d’impôt, qui bénéficie à l’ensemble des entreprises imposées selon un régime réel, est assis sur le montant brut des rémunérations qui n’excèdent pas 2,5 fois le SMIC (CGI, art. 244 quater C).

Il sera ensuite purement et simplement supprimé à compter du 1er janvier 2019.

La fin du CICE est compensée par un allègement de cotisations patronales (LFSS 2018, art. 9).

Ainsi, les entreprises bénéficieront d’un effet de cumul pour l’année 2019, en raison des modalités d’utilisation en années décalées du crédit d’impôt. D’une part, le CICE « 2018 » sera imputable sur le solde d’IS de la société, ainsi que les crédits d’impôt antérieurs et non encore utilisés, dès lors que l’excédent de crédit d’impôt constitue une créance sur l’Etat qui peut être utilisée pour le paiement de l’impôt dû au titre des trois années suivantes. D’autre part, elles bénéficieront des mesures prévues par la LFSS pour 2018, puisque ces nouveaux allègements se trouvent être applicables immédiatement dès l’exercice de versement des rémunérations.

 

Taux d’imposition des plus-values professionnelles à long terme (art. 29)

Le taux applicable aux plus-values professionnelles à long terme (CGI, art. 39 duodecies et s.) est abaissé de 16 % à 12,8 % (par cohérence avec l’instauration du prélèvement forfaitaire unique). Pour mémoire, ce régime s’applique aux cessions d’éléments de l’actif immobilisé réalisées par les exploitants individuels et les sociétés de personnes relevant de l’impôt sur le revenu, quelle que soit la nature de l’activité exercée, à l’occasion de la cession d’immobilisations acquises ou créées depuis au moins deux ans.

Faute d’entrée en vigueur spécifique, la mesure devrait, en toute logique, bénéficier aux revenus de l’année 2017.

 

Provision pour investissement des entreprises de presse (art. 91)

Les entreprises de presse imprimée et en ligne d’information politique et générale peuvent constituer une provision déductible pour financer les développements et acquisitions en vue d’innover et de s’adapter à un univers numérique en constante mutation (CGI, art. 39 bis A). Ce mécanisme, qui devait expirer au 31 décembre 2017, est prorogé jusqu’au 31 décembre 2020.

En outre, le mécanisme spécifique aux entreprises de presse éditant des services de presse en ligne de la connaissance et du savoir (CGI, art. 39 bis B, tel qu’issu de la LF 2017) a fait l’objet d’aménagements relatifs notamment à la définition des dépenses éligibles finançant des prises de participations dans des entreprises de presse ayant une activité similaire, du traitement des reprises de provision dans le calcul de la limite de déduction, des obligations déclaratives qui incombent aux entreprises bénéficiaires et des conséquences de la cession ou de la cessation d’entreprise pour cette dernière.

En l’absence d’entrée en vigueur spécifique, ces mesures s’appliquent à l’IR dû au titre de l’année 2017 et des années suivantes et à l’IS dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2017.

 

CIR – Etat devant être fourni par les entreprises engageant plus de 100 M€ de dépenses de recherche (art. 95)

Les entreprises qui engagent plus de 100 M€ de dépenses de recherche doivent accompagner leur déclaration CIR (n° 2069-A) d’un état (n° 2069-A-1-SD) décrivant la nature de leurs travaux de recherche en cours, l’état d’avancement de leurs programmes, les moyens matériels et humains, directs ou indirects, qui y sont consacrés et la localisation de ces moyens. Cette information complémentaire est prévue par le III bis de l’article 244 quater B du CGI ; son non-respect est sanctionné par une amende de 1 500 € (CGI, art. 1729 B, 1, al. 2).

En complément de cet état, l’entreprise devra fournir des informations sur la part de docteurs financés par ces dépenses ou recrutés sur leur base, le nombre d’équivalents temps-plein correspondants et leur rémunération moyenne. Ces informations ont vocation à permettre au Ministre de la recherche de publier un rapport synthétique sur l’utilisation du CIR.

Cette mesure est applicable à compter du 1er janvier 2018.

 

Cession et transformation de locaux professionnels en logements (art. 25)

Les plus-values de cession d’un local à usage de bureau, à usage commercial ou à usage industriel, réalisées par une personne morale soumise à l’IS, bénéficient d’un taux réduit de 19 %, à la condition que la société cessionnaire s’engage à transformer le local acquis en local à usage d’habitation dans les quatre ans qui suivent la date de clôture de l’exercice au cours duquel l’acquisition est intervenue (CGI, art. 210 F).

Le dispositif est prorogé, et s’appliquera ainsi aux cessions réalisées jusqu’au 31 décembre 2020 inclus et aux promesses de vente conclues entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020, à condition que la cession soit réalisée au plus tard le 31 décembre 2022. Pour mémoire, le dispositif devait venir à expiration au 31 décembre 2017.

Il est, de surcroît, étendu aux cessions de terrains à bâtir, ainsi qu’aux cessions réalisées par les sociétés civiles de construction-vente.

En revanche, il est désormais recentré sur les zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre particulièrement important entre l’offre et la demande de logements. Ces aménagements ne concernent toutefois que les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2018.

Photo de Patrick Fumenier
Patrick Fumenier

Patrick Fumenier a été avocat associé en charge de développer le knowledge management au sein de Deloitte Société d’Avocats de septembre 2016 jusqu’à son départ du Cabinet en janvier 2020. […]