PLF 2014 – Seconde partie

L’Assemblée nationale vient d’adopter, en première lecture, l’ensemble des dispositions fiscales de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2014.
Même si elles ne seront définitives que si le Sénat les adopte en des termes identiques et, qu’à défaut, elles sont encore susceptibles d’être sensiblement aménagées ou supprimées par l’Assemblée nationale en 2e lecture, ou en Commission mixte paritaire, certaines mesures appellent dès à présent toute notre attention.

Déclaration des schémas d’optimisation fiscale

Deux obligations de déclaration des schémas d’optimisation fiscale, à compter du 1er janvier 2015, ont été adoptées, contre l’avis du Gouvernement, mais en cohérence avec les préconisations de plusieurs rapports parlementaires (Migaud 2009, Bocquet 2011, Muet 2013) sur le modèle de ce qui aurait été mis en œuvre au Royaume-Uni depuis 2004.

Les nouvelles obligations déclaratives pèseraient sur les personnes « commercialisant un schéma d’optimisation fiscale », mais également sur celles « élaborant et mettant en œuvre un schéma d’optimisation fiscale » avec pour ces dernières une sanction plus lourde.

La notion de schéma d’optimisation fiscale serait définie comme « toute combinaison de procédés et instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers dont l’objet principal est de minorer la charge fiscale d’un contribuable, d’en reporter l’exigibilité ou le paiement ou d’obtenir le remboursement d’impôts, taxes ou contributions et qui remplit les critères prévus par décret en Conseil d’Etat ».

Pour ceux qui commercialisent un tel schéma, le non-respect de cette obligation nouvelle de déclaration, préalablement à sa commercialisation, serait sanctionné d’une amende égale à 5 % du montant des revenus perçus.

Pour ceux qui l’élaborent et le mettent en œuvre sans l’avoir préalablement déclaré, l’amende serait égale à 5 % du montant de l’avantage fiscal procuré. Cet avantage est défini par le texte comme la différence entre le montant de l’impôt effectivement dû par la personne et le montant de l’impôt que cette personne aurait supporté si elle n’avait pas mis en œuvre le schéma d’optimisation fiscale.

En attente des précisions qui seront apportées par le décret en Conseil d’Etat, on observera, en première analyse, que ces obligations portent sur la révélation des schémas et non de leurs bénéficiaires, hormis les cas dans lesquels ceux-ci pourraient être considérés comme ayant eux-mêmes élaboré et mis en œuvre ces schémas.

Obligation de communication de la comptabilité analytique et des comptes consolidés

En cas de vérification de comptabilité, seraient désormais tenues de communiquer leur comptabilité analytique à l’Administration, si elles en tiennent une, les entreprises :

  • dont le chiffre d’affaires de l’exercice excède 152,4 millions d’euros, s’il s’agit d’entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou 76,2 millions d’euros s’ils s’agit d’autres entreprises
  • qui sont tenues de fournir leur documentation prix de transfert au vérificateur au début des opérations de contrôle (LPF, art. L.13 AA)

En outre, les sociétés commerciales établissant des comptes consolidés seraient également tenues de présenter ceux-ci à l’Administration en cas de contrôle.

Le défaut de présentation de la comptabilité analytique ou des comptes consolidés serait sanctionné comme l’infraction à l’obligation de présenter la comptabilité sous forme dématérialisée de l’article 1729 D du CGI, soit une amende égale à 5 ‰ du chiffre d’affaires de l’exercice, avec un minimum de 1 500 euros.

Obligation de communication des « rulings » obtenus à l’étranger

Les rulings obtenus à l’étranger par les entreprises liées à l’entité contrôlée feraient désormais partie de la liste des documents à remettre dans le cadre de l’obligation documentaire en matière de prix de transfert prévue à l’article L.13 AA du LPF.

Cette mesure est présentée par ses auteurs comme la mise en œuvre de la proposition n° 18 du rapport de la mission d’information sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international (rapport d’information n° 1243, juillet 2013).

Applicabilité des sanctions pour manquement à l’obligation documentaire en l’absence de rectification

Serait sanctionné d’une amende égale à 0,5 % du chiffre d’affaires (au lieu de 5 % du redressement actuellement, CGI, art. 1735 ter) au titre de chaque exercice, le fait pour une entreprise de manquer à son obligation documentaire en matière de prix de transfert (LFP, art. L.13 AA), de sorte que même en l’absence de toute rectification des bases imposables, l’entreprise serait lourdement sanctionnée.

Cet amendement est présenté comme la mise en œuvre de la proposition n° 5 du rapport de la mission d’information sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international (rapport d’information n° 1243, juillet 2013).

Abrogation du dispositif de suspension de l’établissement de l’impôt durant la procédure amiable en cas de rehaussement lié aux prix de transfert

Lorsque l’Administration, à la suite d’un contrôle en matière de prix de transfert, réintègre à la base taxable en France des bénéfices localisés dans un autre Etat, il est fréquent en pratique que s’engage une procédure amiable avec l’entreprise concernée et les deux Etats concernés, afin que les deux administrations se répartissent le pouvoir d’imposer les bénéfices en cause.

Durant le déroulement de cette procédure amiable, les dispositions de l’article L.189 A du LPF prévoient la suspension de l’établissement de l’impôt.

Cette mesure de suspension serait supprimée, pour les procédures amiables ouvertes à compter du 1er janvier 2014.

Le Ministre a indiqué lors des débats que les entreprises devraient néanmoins pouvoir bénéficier d’un sursis d’imposition équivalent à celui prévu par l’article L.277 du PLF pour les procédures contentieuses internes. Le texte de l’amendement ne le prévoyant pas, on surveillera tout particulièrement la suite des travaux parlementaires sur la rédaction de cette mesure.

Pour information, on rappelle que cette modification avait été proposée par le rapport de la mission d’information sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international (rapport d’information n° 1243, juillet 2013, proposition n° 14).

Modification de la définition de l’abus de droit fiscal

Sont actuellement constitutifs d’un abus de droit (LPF, art. L64) :

  • les actes ayant un caractère fictif (abus de droit par simulation)
  • les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé aurait sinon supportées (abus de droit par fraude à la loi)

Cette deuxième branche de l’abus de droit encore dénommée fraude à la loi serait modifiée, puisque entreraient désormais dans le champ du dispositif, les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé aurait sinon supportées. Rappelons qu’un amendement similaire avait été adopté par les sénateurs dans le cadre des discussions relatives au projet de loi contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Il avait ensuite été rejeté par les députés, Bernard Cazeneuve ayant indiqué qu’un rapport sur la question avait été demandé au Conseil d’Etat.

Il convient de tempérer la rigueur apparente de cette mesure. En effet, le juge de l’impôt a considéré, à plusieurs reprises, que pour qu’un abus de droit par fraude à la loi soit caractérisé, il faut que les deux critères de la fraude à la loi soient cumulativement satisfaits. Autrement dit, si l’opération litigieuse ne va pas à l’encontre des objectifs poursuivis par les auteurs du texte invoqué, il n’y a pas lieu de s’interroger sur le second critère et il n’y aura pas abus de droit, quelle que soit l’acuité de la motivation fiscale. Le Conseil d’Etat a ainsi jugé que des opérations d’aller-retour autour de la distribution du dividende ayant permis un transfert d’avoir fiscal ne pouvaient être remises en cause sur le terrain de la fraude à loi alors même qu’elles résultaient de la recherche d’un profit purement fiscal, dès lors qu’elles n’étaient pas allées à l’encontre des objectifs du législateur lors de l’adoption des dispositions relatives à l’avoir fiscal (arrêts du 7 septembre 2009 n° 305586, SA Axa, n° 305596, Sté Henri Goldfarb).

On retiendra également que ces nouvelles dispositions ne seraient applicables qu’aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2016.

Transfert de fonctions

Comme annoncé, le dispositif relatif au transfert de fonctions ou de risques à une entreprise, initialement compris dans la première partie du PLF 2014 (art. 15), a été rétabli dans la seconde. Il n’a, en définitive, été que peu modifié.

Lorsqu’un transfert de fonctions ou de risques à une entreprise liée est suivi, au cours d’un des deux exercices à compter de ce transfert, d’une diminution de plus de 20 % de son résultat d’exploitation (au lieu de l’EBE dans le projet de texte initial) par rapport à la moyenne de ceux des trois exercices précédant le transfert, l’entreprise devrait désormais établir qu’elle a bénéficié d’une contrepartie financière équivalente à celle qui aurait été convenue entre des entreprises indépendantes.

Il lui faudrait fournir à cet effet, sur demande de l’Administration, tous les éléments utiles à la détermination des résultats réalisés avant et après le transfert aux entreprises qui y sont parties, y compris celles bénéficiaires du transfert. A défaut, les bénéfices qui auraient dû être réalisés seraient réintégrés à ses résultats. On observera que le texte ne précise pas comment seront déterminés ces bénéfices.

Cette mesure s’appliquerait également aux transferts réalisés au profit de sociétés indépendantes, situées dans un Etat bénéficiant d’un régime fiscal privilégié ou dans un ETNC.

Elle s’appliquerait aux exercices clos à compter du 31 décembre 2013.

Réforme du PEA

Le plan d’épargne en actions (PEA) permet d’investir en actions ou en parts d’OPCVM eux-mêmes principalement investis en actions, tout en bénéficiant d’une exonération d’impôt sur les dividendes et les plus-values à condition de n’effectuer aucun retrait pendant cinq ans. Après huit ans, le titulaire du plan peut également opter pour le versement d’une rente à vie défiscalisée. Les versements sur le plan, qui doivent être effectués en numéraire, sont actuellement plafonnés à 132 000 € par plan.

Trois mesures applicables à compter du 1er janvier 2014 ont été adoptées.

Relèvement du plafond global

Ce plafond de versements serait porté à 150 000 € (au lieu de 132 000 € actuellement).

Définition du marché réglementé

Par ailleurs, on sait que les produits des placements effectués en actions ou en parts de sociétés non cotées (qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé) ne bénéficient de l’exonération d’impôt sur le revenu que dans la limite de 10 % du montant de ces placements.

La définition de marché réglementé est aménagée. Les titres négociés sur un marché français ou européen non réglementé mais organisé (Alternext par exemple) ne seraient plus assimilés, pour le fonctionnement du PEA, à des titres non cotés dans la mesure où un tel marché a une organisation proche de celle des marchés réglementés du fait de la présence d’une « entreprise de marché » qui organise les transactions et les réglemente. Les produits de ces titres, inscrits sur un PEA classique ou « PEA-PME » (voir ci-après), ne seraient plus soumis au plafonnement de 10 %.

Création du « PEA-PME »

Un PEA spécifiquement destiné au financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) serait créé. Il bénéficierait des mêmes avantages fiscaux que le PEA classique et fonctionnerait de manière similaire, sans les restrictions applicables aux investissements en actions ou parts de sociétés non cotées. Toutefois, contrairement à ce qui est prévu pour le PEA « classique », les versements seraient plafonnés à 75 000 €.

Seraient considérées comme des PME et des ETI pour l’application de ce dispositif nouveau, les entreprises ayant leur siège dans un Etat de l’UE ou de l’EEE ayant conclu une convention d’assistance administrative avec la France en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, soumises à l’IS dans les conditions de droit commun ou à un impôt équivalent (cette condition ne s’appliquerait toutefois pas aux entreprises nouvelles ni aux sociétés de capital-risque visées à l’article 208 3° septies du CGI), employant moins de 5.000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 1 500 millions d’euros ou dont le total de bilan n’excède pas 2 000 millions d’euros. Des précisions sur les modalités de calcul de ces plafonds seraient fixées par décret.

Seraient éligibles à ce nouveau plan les actions et titres donnant accès au capital de ces entreprises ainsi que les parts de fonds de placement (FCP, SICAV, OPCVM européens bénéficiant de la procédure de reconnaissance idoine) dont l’actif est constitué pour plus de 75 % de titres émis par des PME-ETI et dont au moins les deux tiers sont émis par ces mêmes entreprises.