L’option pour le régime des SIIC ne fait pas obstacle au report en arrière des déficits

L’option pour le régime des SIIC (CGI, art. 208 C et suivants) ne constitue pas une « cessation totale d’activité » au sens des dispositions de l’article 220 quinquies et ne saurait, dès lors, priver la société ayant exercé cette option de bénéficier du mécanisme de « carry back ».

En principe, le déficit subi au titre d’un exercice constitue une charge déductible du bénéfice réalisé au titre de l’exercice suivant, dans la limite de 1 M€ majoré de 50 % de la fraction de son bénéfice excédant ce seuil (CGI, art. 209-I-3°). Toutefois, l’entreprise peut, sur option, choisir d’imputer ce déficit sur le bénéfice de l’exercice précédent, dans la limite de 1 M€ (CGI, art. 220 quinquies).

En revanche, l’entreprise ne peut exercer cette option au titre de l’exercice au cours duquel intervient une cession ou une cessation totale d’entreprise, une fusion ou une opération assimilée, ou un jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société (CGI, art. 220 quinquies, II).

En l’espèce, une société avait opté, avec effet au 1er janvier 2003, pour l’application du régime des sociétés d’investissements immobiliers cotées (CGI, art. 208 C et suivants). Cette option a entraîné cessation d’entreprise en application du deuxième alinéa de l’article 221,2 du CGI, lequel prévoit que lorsqu’une société cesse d’être soumise à l’IS, il y a cessation d’entreprise donnant lieu à imposition immédiate au sens de l’article 201 du CGI.

Si la société n’a pas contesté l’imposition immédiate, elle entendait bénéficier du report en arrière des déficits des exercices clos les 31 décembre 2003 et 31 décembre 2005 (les dispositions de l’article 220 quinquies, dans leur rédaction antérieure à la 2e LFR 2011 permettaient de reporter en arrière le déficit constaté à la clôture d’un exercice en l’imputant sur les bénéfices des trois exercices précédents, sans aucune limitation de montant).

L’Administration, comme les juges du fond, le lui ont refusé, considérant que l’exercice de l’option pour le régime des SIIC devait être assimilé, pour l’application du II de l’article 220 quinquies, à une cessation totale d’entreprise.

Autrement dit, les débats se cristallisaient autour du point de savoir si la notion de « cessation totale d’entreprise » au sens des dispositions applicables en matière de « carry-back » devait être lue de la même manière que celle de « cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d’une entreprise » visée par l’article 201 du CGI, ou, à l’inverse, faire l’objet d’une interprétation autonome.

Si la question n’a jamais été clairement tranchée, des éléments de réponse pouvaient toutefois être trouvés dans les conclusions de Yohann Bénard, rapporteur public dans l’affaire Me C, mandataire ad hoc de la société Electre International (CE, 20 novembre 2017, n° 397027). S’il soulignait la grande similitude sémantique des deux notions, il relevait toutefois que les dispositions des articles 201 et 220 quinquies poursuivent des objectifs tout à fait différents.

Là où l’article 201 a pour objet d’imposer immédiatement les bénéfices en cas de cessation d’activité, l’option pour le report en arrière des déficits prévu à l’article 220 quinquies a, à l’inverse, été spécifiquement conçue par le législateur pour favoriser la continuation de l’activité de la société.

C’est également l’analyse que retient ici le Conseil d’Etat. Se référant aux travaux préparatoires de la LF 1985, à l’origine de la mesure, il souligne que le dispositif de « carry-back » vise à favoriser le rétablissement rapide du résultat des sociétés déficitaires et la poursuite de leur activité.

Il juge ainsi qu’une société qui cesse totalement ou partiellement d’être soumise à l’IS – comme c’est le cas lorsqu’elle exerce l’option pour le régime des SIIC – fait bien l’objet de l’imposition immédiate prévue par l’article 201 du CGI pour les cas de cession ou de cessation d’une entreprise. En revanche, une telle option ne constitue pas une cession ou une cessation d’entreprise au sens de l’article 220 quinquies, lequel n’interdit, de surcroît, le report en arrière des déficits qu’en cas de cession ou de cessation totale de l’entreprise.

Le Conseil d’Etat consacre ici l’autonomie de la notion de cession ou de cessation d’entreprise pour l’application du mécanisme de « carry-back » et souligne qu’elle doit être totale. Il en résulte que, dès lors qu’elles poursuivent leur activité par ailleurs, les sociétés cessant d’être soumises à l’IS en raison de l’exercice de l’une des options visées aux articles 206 à 208 quinquies, 239, 239 bis AA et 239 bis AB du CGI devraient pouvoir être autorisées à opter pour le report en arrière de leurs déficits.

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Antoine Morterol

Avec 30 années de pratique professionnelle, Antoine a apporté à Deloitte Société d’Avocats son expérience des problématiques fiscales des groupes, acquise à la fois en tant que conseil et en […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.