Loi de finances 2020 : analyse des mesures les plus marquantes en TVA

Après sa validation, pour l’essentiel, par le Conseil constitutionnel, la loi de finances pour 2020 (loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019) a été publiée au JO du 29 décembre 2019. Nous vous en présentons les mesures les plus marquantes en TVA.

Sommaire

Simplification des règles de TVA applicables aux échanges intracommunautaire de marchandises
Par  Vanessa Irigoyen et Bérenger Richard

  • Renforcement des conditions d’exonération des livraisons intracommunautaires (art. 34)
  • Simplification applicable aux transferts de stocks sous contrat de dépôt (art. 34)
  • Livraison intracommunautaire exonérée et ventes en chaîne (art. 34)

Gestion de fonds
Par  Anne Gerometta et Robin Maubert

  • Clarification du champ de l’exonération de la gestion de fonds (art. 33)

Facturation électronique
Par  Vanessa Irigoyen et Delphine Nicault

  • Obligation de recourir à la facturation électronique entre assujettis et transmission des données de facturation à l’administration fiscale (art. 153)

TVA d’importation
Par  Odile Courjon

  • Simplification du recouvrement de la TVA d’importation due par les assujettis (art. 181)

Commerce électronique
Par  Nicolas Kazandjian

  • Finalisation de la transposition de la directive sur le commerce électronique (art. 147)

Simplification des règles de TVA applicables aux échanges intracommunautaires de marchandises

Par  Vanessa Irigoyen et Bérenger Richard

L’article 34 de la loi de finances pour 2020 vient transposer la Directive communautaire concernant l’harmonisation et la simplification de certaines règles de TVA applicables aux échanges entre États membres (Directive UE/2018/1910 du 4 décembre 2018).

Applicables aux livraisons dont le fait générateur survient à compter du 1er janvier 2020, cet article prévoit l’ajout de conditions pour l’application de l’exonération des livraisons intracommunautaires, ainsi que de nouvelles règles permettant d’harmoniser la simplification applicable aux transferts de stocks sous contrat de dépôt au sein de l’UE, et d’autres visant à préciser les conditions d’application de l’exonération des livraisons intracommunautaires en cas de ventes en chaîne.

Renforcement des conditions d’exonération des livraisons intracommunautaires (art. 34)

Dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2020, l’article 262 ter du code général des impôts (ci-après « CGI ») prévoit deux nouvelles conditions à l’exonération des livraisons intracommunautaires :

  • Que le destinataire ait communiqué au fournisseur son numéro de TVA dans un autre État membre que celui de départ des biens
  • Que le fournisseur ait déposé une DEB à l’expédition comprenant l’ensemble des informations obligatoires

En ce qui concerne l’obligation pour le fournisseur d’obtenir de son client un numéro de TVA dans un autre État membre de l’UE, elle était déjà prévue par la documentation publiée par l’administration fiscale française, qui prévoyait l’obligation pour le vendeur d’appliquer la TVA sur la livraison intracommunautaire si le destinataire ne lui fournissait pas de numéro de TVA, ou que celui fourni était invalide.

La consécration de l’obligation de déposer des Déclarations d’échange de biens à l’expédition comme condition de fond à l’exonération est en revanche une vraie nouveauté en France. Néanmoins, sa portée exacte demeure encore incertaine. En effet, le texte prévoit la possibilité de justifier les manquements aux règles d’établissement des DEB auprès de l’Administration afin d’éviter la remise en cause de l’exonération, sans plus de commentaires sur les justificatifs attendus à ce stade.

Simplification applicable aux transferts de stocks sous contrat de dépôt (art. 34)

Par principe, le transfert par un assujetti de marchandises vers un stock situé dans un autre État membre, suivi de la vente ultérieure de ces marchandises dans l’État membre de destination, nécessite l’immatriculation à la TVA de l’assujetti dans cet État membre (afin d’être en mesure d’exonérer le transfert dans l’État membre de départ et, le cas échéant, de déclarer l’arrivée des marchandises et leur revente locale dans l’État membre d’arrivée).

Le nouveau III bis de l’article 256 du CGI vient transposer les règles de simplification harmonisées désormais prévues par la Directive TVA.

Ainsi, les transferts de biens à destination d’un autre État membre ne seront pas assimilés à des livraisons intracommunautaires, si :

  • L’assujetti qui transfert les biens n’est pas établi dans l’État membre de destination, et le destinataire des marchandises est pour sa part immatriculé à la TVA dans cet État membre
  • Les biens sont destinés à être vendus au destinataire dans un délai de douze mois suivant leur arrivée
  • Le transfert est correctement renseigné dans un registre dédié

Si la vente intervient dans les douze mois, une livraison intracommunautaire par le cédant et une acquisition intracommunautaire par le destinataire seront directement constatées. A défaut de vente au destinataire dans le délai de douze mois, il sera possible, sans pour autant qu’une livraison intracommunautaire soit qualifiée, que les biens soient retournés dans leur État membre de provenance, ou qu’il soit substitué un nouvel acquéreur au client initial (sous respect des autres conditions, et de la modification du registre).

A défaut de respecter l’un ou l’autre de ces scénarios, un transfert affectation devra être constaté à l’issue du délai de douze mois. La solution sera identique en cas de transport des marchandises vers un autre pays, ou de vol ou perte des marchandises.

Livraison intracommunautaire exonérée et ventes en chaîne (art. 34)

En cas de ventes successives de biens faisant l’objet d’un seul transport intracommunautaire, seule une des ventes peut être qualifiée de livraison intracommunautaire exonérée, les autres ventes constituant des ventes domestiques dans le pays de départ ou d’arrivée. Jusqu’alors, le sujet de l’affectation du transport intracommunautaire à l’une des ventes donnait lieu à des interprétations divergentes dans les différents États membres.

Le nouvel article 262 ter 1° bis du CGI vient transposer la règle communautaire visant à harmoniser les interprétations sur ce sujet. Aux termes de ce texte, il conviendra désormais de rechercher laquelle des parties à la chaîne de vente qualifie d’opérateur intermédiaire – défini comme l’assujetti, autre que le premier vendeur, qui expédie ou transporte les biens soit lui-même, soit par l’intermédiaire d’un tiers agissant pour son compte.

Dans l’hypothèse où cet intermédiaire fournit un numéro de TVA attribué dans un État membre autre que la France à son fournisseur, c’est la vente réalisée par ce dernier au profit de l’opérateur intermédiaire qui qualifiera de livraison intracommunautaire exonérée. Si, à l’inverse, l’opérateur intermédiaire fournit un numéro de TVA français à son fournisseur, la vente entre ces deux parties constituera une vente domestique en France, et c’est la vente réalisée par l’opérateur intermédiaire à son client qui devra alors être qualifiée de livraison intracommunautaire.

Si l’expédition ou le transport est assuré par le premier vendeur de la chaîne ou par le dernier acquéreur, l’exonération devra en principe s’appliquer respectivement à la première ou à la dernière vente, sous réserve que les conditions d’exonération des livraisons intracommunautaires soient réunies.

Gestion de fonds

Par  Anne Gerometta et Robin Maubert

Clarification du champ de l’exonération de la gestion de fonds (art. 33)

L’article 33 de la loi de finances pour 2020 modifie, à compter du 1er janvier 2020, la rédaction de l’article 261 C, 1°-f du CGI relatif à l’exonération de la gestion des organismes de placement collectif, afin de mettre en conformité la législation nationale avec la jurisprudence communautaire.

L’article 261 C, 1°-f du CGI réservait jusqu’alors l’exonération de TVA des prestations de gestion aux fonds suivants :

  • les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM)
  • certains fonds d’investissement alternatifs (FIA) limitativement énumérés par référence aux dispositions du Code monétaire et financier (la liste n’incluait pas notamment les fonds immobiliers)
  • les fonds communs de créances

Ces dispositions n’étaient pas conformes à la jurisprudence de la CJUE. En particulier, il résulte de la décision « Fiscale Eenheid X NV » (CJUE, 09-12-2015, aff. 595/13) que la gestion d’un fonds immobilier peut être exonérée sur le fondement de l’article 135, 1-g de la Directive TVA (exonération de « la gestion de fonds communs de placement tels qu’ils sont définis par les États membres »).

Désormais, le nouveau dispositif vise la gestion des OPCVM ainsi que des autres organismes de placement collectif présentant des caractéristiques similaires. Seraient ainsi inclus dans le périmètre de l’exonération tous types de fonds, sans distinction selon la forme sous laquelle ils sont constitués, dès lors qu’ils répondent à quatre conditions cumulative dégagées par la jurisprudence communautaire :

  • être un placement collectif
  • fonctionner selon le principe de répartition des risques
  • être soumis à un contrôle étatique
  • avoir un retour sur investissement subordonné à la performance des investissements, les détenteurs devant supporter le risque lié au fonds

La liste de ces organismes sera précisée par décret.

Pour mémoire, la gestion de fonds peut en France faire l’objet de l’option à la TVA sur les services bancaires et financiers (CGI, art. 260 B).

Facturation électronique

Par  Vanessa Irigoyen et Delphine Nicault

Obligation de recourir à la facturation électronique entre assujettis et transmission des données de facturation à l’administration fiscale (art. 153)

Pour mémoire, aujourd’hui, le recours à la facturation électronique est obligatoire pour les opérations réalisées entre les entreprises et les administrations publiques (factures transmises via le portail chorus.pro).
En dehors de ce cas, les entreprises ont le choix d’émettre leurs factures sous format papier ou sous format électronique.

L’article 153 de la loi de finances pour 2020 prévoit l’obligation de recourir à la facturation électronique pour les opérations réalisées entre les assujettis et la transmission des données figurant sur ces factures à l’administration fiscale.

Cette obligation sera applicable entre le 1er janvier 2023 et au plus tard le 1er janvier 2025, selon un calendrier et des modalités fixées par décret.
L’article prévoit également que le Gouvernement remette un rapport, avant le 1er septembre 2020, au Parlement, afin d’identifier les solutions les plus adaptées en matière de transmission des données de facturation.

L’introduction de cette obligation poursuit plusieurs objectifs, et notamment la diminution des coûts relatifs à la gestion des factures sous forme papier, ainsi que la lutte contre la fraude grâce aux recoupements automatisés entre les factures émises et les factures reçues.

TVA d’importation

Par  Odile Courjon

Simplification du recouvrement de la TVA d’importation (art. 181)

La TVA d’importation sera déclarée, acquittée et déduite auprès de la DGFiP à compter du 1er janvier 2022.

Le régime de l’autoliquidation de la TVA d’importation est à nouveau modifié mais cette fois-ci dans le sens d’une libéralisation.

Pour mémoire, l’autoliquidation est aujourd’hui soumise à autorisation préalable de la DGDDI (douane), laquelle valide que l’opérateur remplit quatre conditions : (i) avoir effectué au moins quatre importations dans l’Union européenne au cours des 12 mois précédant la demande, (ii) disposer d’un système de gestion de leurs écritures douanières et fiscales permettant le suivi des importations (cette condition étant remplie par attestation sur le formulaire de demande), (iii) justifier d’une absence d’infractions graves ou répétées aux dispositions douanières et fiscales et (iv) justifier d’une solvabilité financière. Ces conditions sont réputées remplies pour les opérateurs titulaires du statut d’Opérateur Économique Agréé (OEA), c’est-à-dire les opérateurs ayant fait l’objet d’un audit de certification préalable par les services douaniers. À noter que les opérateurs non-établis dans l’Union européenne qui réalisent des importations en France sont réputés remplir ces conditions si leur représentant en douane dispose lui même du statut OEA.

Environ 9 000 entreprises utilisent ce dispositif en France mais ce dispositif reste encore lourd et réservé aux opérateurs initiés.

Les dispositions de l’article 193 de la loi de finances pour 2019 (loi n° 2018-1317) qui devaient entrer en vigueur le 1er janvier 2020 n’entrent finalement pas en vigueur, de sorte que les quatre conditions mentionnées supra restent applicables jusqu’au  31 décembre 2021.

La nouvelle mesure s’inscrit aussi dans le prolongement du transfert de compétence de la douane vers la DGFiP concernant la TVA sur les produits pétroliers qui s’appliquera à compter du 1er janvier 2021 (article 193 loi n° 2018 1317).

A compter du 1er janvier 2022, la TVA due (i) sur les importations réalisées par les redevables assujettis, (ii) sur les opérations de sortie de régimes douaniers communautaires (installation de stockage temporaire, conduite en douane, dépôt temporaire, entrepôts d’importation, d’exportation, perfectionnement actif, admission temporaire, sortie de transit externe, etc.), (iii) sur les sorties des régimes fiscaux suspensifs (y compris les cas de retrait de l’autorisation) relèveront de la compétence de la DGFiP.

L’autoliquidation de la TVA sur toutes ces opérations deviendra optionnelle pour les opérateurs et sans formalité particulière : l’article actuel 1695, II du CGI ayant été supprimé à compter du 1er janvier 2022, les anciennes conditions ne seront plus applicables.

Les opérateurs auront donc le choix entre plusieurs régimes à l’importation car le nouveau régime sera cumulable : l’autoliquidation sur la CA3, la franchise de TVA (art. 275 du CGI) pour certains flux, le régime 42 (importation suivie d’une LIC) pour d’autres flux.

La douane gardera une compétence restreinte pour la TVA sur : (i) les importations réalisées par les non assujettis (consommateurs), (ii) les transports de passagers et transports B to C.

La douane gardera également une compétence sur la détermination de la base d’imposition, mais elle aura l’obligation de transmettre à la DGFiP les informations nécessaires au contrôle de la CA3.

La notion de redevable de la TVA a été modifiée à l’article 293 A du CGI. Le redevable sera la personne qui réalise la livraison quand le bien est livré en France ou quand il fait l’objet d’une vente à distance de biens importés expédiés ou transportés dans un autre État membre. Pour les ventes à distance de biens importés, le redevable pourra être aussi la plateforme facilitant la livraison. Dans les autres cas, le redevable sera le destinataire indiqué sur la déclaration d’importation.

L’article 293 A quater du CGI permettra d’opter pour désigner une personne comme redevable de la TVA à l’importation : en effet, cette option pourra être exercée par toute personne intervenant dans la chaîne logistique (représentants en douane, transporteurs, logisticien ou gestionnaire d’entrepôt). Des règles de solidarité de paiement ont aussi été précisées : si le représentant en douane est solidairement tenu au paiement des taxes quand il agit selon un mandat de représentation indirecte (il agit en son propre nom mais pour le compte du client), d’autres cas de solidarité ont été prévus : notamment en cas d’option par un opérateur intervenant dans la chaîne logistique, le vendeur et le destinataire indiqués sur la déclaration d’importation restent tenus solidairement au paiement de la TVA en qualité de redevables. Ainsi, les parties doivent s’entendre pour déterminer entre eux, lequel interviendra comme redevable, les autres restant solidaires tenus.

La loi de finances organise la coordination avec les nouveaux textes sur le commerce électronique (vente à distance de biens importés d’une valeur inférieure à 150 €, mis en place à compter du 1er janvier 2021). Les textes ci dessus ne seront applicables qu’à compter du 1er janvier 2022 : aussi nous attendrons avec attention les commentaires de l’Administration sur ces points.

Ce transfert rendra la DGFiP compétente pour le contrôle (même si certaines opérations matérielles continueront d’être réalisées par la douane, à la demande de la DGFiP) : ainsi, les règles du contrôle fiscal s’appliqueront. De même le contentieux relèvera de la compétence des juridictions administratives.

Commerce électronique

Par  Nicolas Kazandjian

Finalisation de la transposition de la directive sur le commerce électronique (art. 147)

La loi de finances pour 2020 contient des mesures qui impacteront le commerce électronique à compter du 1er janvier 2021. Ces mesures sont essentiellement destinées à lutter contre la fraude à la TVA dans ce domaine. Elles sont prévues à l’article 147 de la loi, qui assure la transposition en droit interne de certaines dispositions prévues par les directives n°2017/2455/UE du 5 décembre 2017 et n°2019/1995/UE du 21 novembre 2019.

Sont notamment concernés le régime et la perception de la TVA relative aux ventes à distance de biens (intracommunautaires et internationales), ainsi que l’obligation pour les interfaces électroniques de collecter la TVA due sur certaines transactions qu’elles facilitent.

Précisions sur la notion de vente à distance intracommunautaire de biens, son lieu de taxation et le mode de perception de la TVA

Pour mémoire, cette vente est caractérisée lorsque des biens (autres que des véhicules neufs ou des biens montés et installés) sont expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte à partir d’un État membre de l’UE dans un autre État membre, à destination d’un client non-assujetti, le plus souvent un particulier (mais il peut s’agir également d’une personne bénéficiant du régime dérogatoire lui permettant de ne pas acquitter la TVA sur ses acquisitions intracommunautaires de biens).

La TVA est due dans l’État membre de départ des biens, et, par dérogation, dans l’État membre d’arrivée des biens lorsqu’un certain seuil de recettes liées à ces ventes est franchi dans ce dernier (avec la faculté d’opter, dans l’État membre de départ des biens, pour la taxation dans l’État membre d’arrivée même si le seuil n’est pas franchi). Depuis la loi de finances pour 2016, le seuil de taxation retenu par la France est de 35.000 € HT. Il peut être différent dans les autres États membres de l’UE.

Ce régime a ses écueils, notamment l’obligation de surveiller les seuils par État membre et la multiplication des immatriculations locales pour y accomplir les obligations déclaratives qui en découlent. De nombreux opérateurs ont tenté de le contourner, pour alléger leurs obligations, par exemple en proposant aux clients de contracter directement le transport avec une entreprise tierce (et ainsi ne devoir la TVA que dans l’État membre de départ des biens).

Pour éviter la déqualification abusive de la vente à distance intracommunautaire de biens, la loi de finances pour 2020 intègre à la définition le cas où le vendeur intervient indirectement dans le transport ou l’expédition des biens (article 256 II bis 1° du CGI). Cette notion d’intervention indirecte est définie par le règlement d’exécution n°2019/2026/UE (il s’agit, par exemple, d’un fournisseur qui promeut par tout moyen les services de livraison d’un tiers auprès de l’acquéreur, met en relation l’acquéreur et un tiers ou communique à un tiers les informations nécessaires à la livraison des biens à l’acquéreur).

En outre, à partir de 2021, le seuil de taxation des ventes à distance intracommunautaires ne sera plus de 35.000 € HT, mais de 10.000 € HT. Il s’agit du même seuil que celui qui est prévu à l’article 259 D du CGI au titre de la taxation des prestations de services de télécommunications, télé et radiodiffusion, ainsi que des services électroniques rendus par un prestataire établi dans un État membre à un client non assujetti établi dans un autre État membre de l’UE. Ce seuil ne s’appréciera donc plus en fonction des recettes perçues dans chaque État membre d’arrivée des biens mais en fonction des recettes globales réalisées au titre de toutes les ventes à distance intracommunautaires de biens réalisées à partir d’un État membre (y compris des recettes générées par les services mentionnés ci-dessus, si un même opérateur effectue les deux types de transactions).

Enfin, pour faciliter la perception de la TVA concernant les ventes à distance intracommunautaires de biens, et éviter les fraudes, elles seront éligibles au système du guichet unique de perception de la TVA. L’opérateur pourra alors collecter la TVA due sur toutes ces ventes dans un seul État membre. Il s’agit du même guichet unique que celui qui peut être utilisé actuellement pour la perception de la TVA due au titre des services de télécommunications, télé et radiodiffusion, ainsi que des services électroniques (et qui sera rebaptisé One Stop Shop – OSSarticle 298 sexdecies G du CGI). Lorsque l’opérateur opte pour ce guichet unique, il devra tenir à disposition un registre électronique détaillé de toutes les opérations qui en relèvent.

Introduction de la notion de vente à distance de biens importés, précisions sur son lieu de taxation et sur le mode de perception de la TVA

Inexistante jusqu’à présent, cette notion est destinée à éviter les circuits de fraude à la TVA concernant les biens importés.

La vente à distance de biens importés, définie à l’article 256, II 1° du CGI, présente les mêmes caractéristiques qu’une vente à distance intracommunautaire de biens, sauf que le pays de départ des biens n’est pas situé dans l’UE. La définition prévoit également le cas où le fournisseur intervient indirectement dans le transport des biens.

L’article 285 IV du CGI instaure trois cas d’imposition en France pour ces livraisons : (i) lorsque les biens sont importés dans un autre État membre de l’UE pour être transportés en France à destination d’une personne non assujettie, (ii) lorsque les biens sont importés directement en France à destination d’une personne non assujettie ou dans les mêmes conditions que le cas (i) et qu’il est fait usage du guichet unique de perception de la TVA au titre de cette livraison (cf. infra) et (iii) lorsque les biens sont importés en France à destination d’une personne non assujettie, qu’ils sont contenus dans des envois n’excédant pas 150 € et que la livraison a été facilitée par une interface électronique (place de marché, plateforme, portail ou dispositif similaire (cf. infra 1.3)).

Un système de guichet unique sera ainsi instauré pour les ventes à distance de biens importés de pays ou territoires tiers, lorsque la valeur intrinsèque de ces biens n’excède pas 150 € (article 298 sexdecies H du CGI). Seules certaines personnes pourront l’utiliser : (i) les vendeurs établis dans l’UE, (ii) les vendeurs établis en dehors de l’UE mais dans un État qui a conclu une convention d’assistance mutuelle avec la France et qui exportent les biens de cet État et (iii) les vendeurs établis ou non dans l’UE et qui ont confié à intermédiaire établi dans l’UE le soin d’acquitter la TVA. Ce guichet unique est le Import One Stop Shop – IOSS.

Dans le cadre du recours à ce guichet, une exonération spécifique de TVA à l’importation est prévue (article 219, II 11° du CGI). Il convient enfin de noter que la TVA est due au moment de la livraison – laquelle est réputée avoir lieu au moment de l’acceptation du paiement de la transaction et que l’utilisateur du guichet devra tenir un registre électronique détaillé des opérations déclarées par ce biais pendant dix ans.

Lorsque le guichet unique n’est pas utilisé, les règles de droit commun s’appliquent (le redevable de la TVA à l’importation est le destinataire) avec dans certains cas des aménagements spécifiques.

Les nouvelles obligations incombant aux interfaces électroniques

La loi relative à la lutte contre la fraude n° 2018-898 du 23 octobre 2018 avait déjà prévu des cas où les plateformes de mise en relation par voie électronique pouvaient être solidairement tenues d’acquitter la TVA due par un opérateur défaillant (article 283 bis du CGI).

La loi de finances transpose les dispositions de la directive n° 2017/2455/UE du 5 décembre 2017, selon lesquelles les interfaces électroniques (places de marchés, plateformes, portails ou dispositifs similaires) qui facilitent (i) les ventes à distance de biens importés de territoires ou pays tiers contenus dans des envois d’une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 € et (ii) les livraisons de biens dans l’UE par un assujetti non établi dans l’UE à une personne non assujettie, sont réputées acheter et revendre les biens (articles 256, V, 2° et 293, A, 1 du CGI).

Il ressort des termes du règlement 2019/2026/UE du 21 novembre 2019 que le terme « facilite » vise certaines situations, par exemple lorsque l’interface fixe directement ou indirectement des conditions générales relatives à la livraison, intervient directement ou indirectement dans la facturation, la commande ou la livraison, etc. En revanche, le traitement des paiements, le placement ou la promotion d’annonces, le routage vers d’autres interfaces, sans intervention dans la livraison, ne caractérisent pas le cas d’une interface qui facilite la livraison.

Dans ce cas, l’expédition ou le transport des biens est imputé à l’interface, qui devient donc redevable de la TVA, en fonction de l’opération, et selon les conditions de droit commun.

Certains aménagements sont prévus. Par exemple, l’achat réputé être effectué auprès du vendeur est exonéré de TVA (article 262 ter, III du CGI).

En outre, l’article 269, 1, a sexies du CGI prévoit que le fait générateur et l’exigibilité de la TVA concernant les livraisons interviennent au moment de l’acceptation du paiement par le client.

De même, l’interface redevable de la TVA devrait pouvoir utiliser les systèmes de guichet unique de perception de la TVA si toutes les conditions sont réunies.

Enfin, il semble possible d’admettre que l’interface est également réputée acheter et revendre les biens dans le cas de ventes à distance de biens importés excédant 150 € (ce point devra être clarifié).

Pour conclure, les interfaces seront également obligées de tenir un registre électronique détaillé des opérations, durant dix ans.

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Vanessa Irigoyen

Vanessa, Avocat Associée, possède plus de 16 ans d’expérience en fiscalité indirecte. Elle travaille avec des clients français et internationaux dans divers secteurs, notamment : pharmaceutique, e-business, aérospatial et défense, […]

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Anne Gerometta

Anne Gerometta est Avocate Associée au sein de la ligne de services Taxes indirectes de Deloitte Société d’Avocats. Elle conseille les groupes internationaux dans la gestion de leurs problématiques de […]

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Nicolas, Avocat Directeur, totalise 20 années d’expérience en matière de fiscalité indirecte. Il assiste des groupes multinationaux et des ETI basés en France et à l’étranger, opérant dans divers domaines […]

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Delphine, Avocat Directeur, possède plus de 17 années d’expérience en fiscalité indirecte. Delphine a développé une expertise particulière dans les secteurs du manufacturing et de la TVA immobilière. Delphine est […]

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Bérenger Richard

Bérenger est avocat et Directeur au sein de la ligne Indirect tax du cabinet Deloitte Société d’Avocats. Il a développé une expérience particulière en ce qui concerne les problématiques TVA […]

Robin Maubert

Robin a rejoint Deloitte Société d’Avocats en 2018. Il exerce en tant que collaborateur au sein du département Indirect Tax du bureau de Paris. Robin est diplômé de l’Université Paul […]