L’arrêt SFS France confirme la dévolution de la charge de la preuve en matière de prix de transfert

Afin de bénéficier de la présomption de transfert de bénéfices qui se rattache à l’article 57 du CGI, l’administration fiscale doit rapporter une double preuve :

  1. la preuve d’un lien de dépendance entre une entité française et une entité étrangère, et 
  2. la preuve d’un transfert de bénéfices au profit de cette entité étrangère.

La seconde condition, la plus problématique et source d’un contentieux récurrent, vient de donner l’occasion au Conseil d’Etat de se prononcer à nouveau dans un arrêt SFS France du 29 novembre dernier (CE, 29 novembre 2017, n°399349, SFS France) .

Sur le fondement de l’article 57 du CGI, l’Administration avait rejeté la déductibilité de commissions et d’honoraires versés par une société française de courtage et d’intermédiaire en assurance à une société liée britannique, sans pour autant apporter la preuve d’un avantage en procédant par comparaison. La Cour administrative d’appel de Bordeaux avait confirmé la position de l’Administration et du Tribunal administratif de Toulouse en caractérisant un lien de dépendance entre une société française et une société britannique au motif que le gérant et associé de la société française détenait 56 % des parts de la société britannique et que le directeur général de la société française détenait 31 % des parts de la société britannique. La cour relevait également que la société britannique réalisait la totalité de son chiffre d’affaires avec la société française.

La CAA avait ensuite considéré que dans ces conditions, il appartenait à la société française d’apporter la preuve que ces avantages avaient eu des contreparties favorables à sa propre exploitation.

Le Conseil d’Etat a cassé l’arrêt d’appel, en rappelant les règles strictes de dévolution de la charge de la preuve applicables en matière de prix de transfert, sous l’empire de l’article 57 du CGI, posées par une jurisprudence constante (Conseil d’Etat, 16 mars 2016, n° 372372, Société Amycel, et 7 novembre 2005, n° 266436, Min. c/ Société Cap Gemini) : pour démontrer l’existence d’un tel avantage, l’Administration doit d’abord procéder par comparaison interne ou externe, c’est-à-dire au regard des prix pratiqués avec des clients dépourvus de liens de dépendance, soit par la même entreprise, soit par une entreprise similaire exploitée normalement. Elle pourra alors réintégrer la somme litigieuse, sauf pour la société à démontrer que cet avantage a eu une contrepartie au moins équivalente. A contrario, la présomption est inopérante si aucune méthode de comparaison n’est appliquée et la preuve d’une libéralité consentie par la société française devra alors être apportée par le service, en établissant l’existence d’un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou vendu.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat rappelle donc utilement l’obligation préliminaire pour l’Administration de procéder par comparaison interne ou externe, afin de démontrer l’existence d’un transfert indirect de bénéfices. Il constate ainsi que cette dernière n’ayant pas respecté cette obligation, a méconnu les règles strictes de dévolution de la charge de la preuve applicables aux prix de transfert.

Jean-Edouard Duvauchelle
Jean-Edouard Duvauchelle

Jean-Edouard Duvauchelle était avocat au sein de l’équipe Prix de Transfert. Il a rejoint Deloitte Société d’Avocats en 2015.