L’absence de remise en cause d’un taux de TVA erroné lors d’un précédent contrôle fiscal ne protège pas le contribuable

La circonstance que l’Administration n’a pas remis en cause, lors d’un contrôle fiscal antérieur, un taux de TVA erroné, ne constitue pas une prise de position formelle qui lui serait opposable et ne permet pas au contribuable d’échapper à l’application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

L’histoire

Une société exerçant une activité de restaurateur et traiteur a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2010, à l’issue de laquelle l’Administration a remis en cause l’application d’un taux réduit de TVA à ses activités.

Elle lui a notifié des rappels de TVA, assortis des pénalités de 40 % pour manquement délibéré.

La société a alors fait valoir que l’Administration n’avait, au cours de contrôles antérieurs, pourtant pas remis en cause l’application du taux réduit de TVA. Elle soutenait que cette absence de rehaussement devait s’analyser comme une prise de position formelle opposable à l’Administration sur le fondement de l’article L. 80 B du LPF et qu’elle devait à tout le moins lui permettre d’échapper à l’application des pénalités de 40 %.

L’existence d’une prise de position formelle au sens de l’article L. 80 B du LPF

Le Conseil d’État confirme en premier lieu, et sans surprise, que l’absence de remise en cause par l’Administration du taux réduit de TVA au cours d’un précédent contrôle ne constitue pas une prise de position formelle au sens de l’article L. 80 B du LPF.

En effet, le Conseil d’État juge de manière constante que le fait de ne pas relever une irrégularité lors de la réalisation d’une précédente vérification « ne saurait être regardé comme constituant une prise de position formelle de l’Administration sur [une] situation de fait […] au regard d’un texte fiscal » (CE 26 novembre 2007, n° 276262).

La portée de cette jurisprudence ainsi confirmée nous semble toutefois limitée dans le temps. En effet, avec la mise en place du mécanisme dit de « garantie fiscale » par la loi ESSOC (loi pour un État au service d’une société de confiance, du 10 août 2018), l’Administration doit prendre position dans le cadre des contrôles fiscaux dont les avis ont été adressés à compter du 1er janvier 2019.

Désormais, lorsque dans le cadre d’un examen ou d’une vérification de comptabilité ou d’un ESFP, l’Administration prend position sur les points du contrôle, y compris tacitement par une absence de rectification, cette prise de position lui est opposable (« garantie fiscale » prévue par l’article 9 de la loi).

Ainsi, les points examinés par l’Administration lors d’un examen ou d’une vérification de comptabilité ou d’un ESFP n’ayant pas fait l’objet d’un redressement seront regardés comme tacitement validés, sous réserve que le contribuable soit de bonne foi et que l’Administration ait pu avoir accès aux documents pertinents.

Cette garantie a été complétée par une mesure prévoyant que le vérificateur, à l’issue d’un contrôle fiscal, devra cependant expressément mentionner, sur la proposition de rectification ou le cas échéant sur l’avis d’absence de rectification, les points qu’il a examinés et qu’il considère comme conformes à la loi fiscale (pour une analyse des récents commentaires au BOFiP de cette mesure).

La mise en œuvre des pénalités pour manquement délibéré

Le Conseil d’État considère que l’absence de remise en cause lors d’un contrôle antérieur du taux de TVA litigieux ne saurait permettre à l’entreprise d’échapper à la majoration de 40 % pour manquement délibéré, prévue à l’article 1729 du CGI.

Si la solution peut surprendre (en ce qu’il semble manquer la composante « caractère délibéré » de l’omission), elle s’explique par les faits spécifiques de l’espèce. En effet, la pénalité de 40 % a été infligée à la société en raison d’une organisation artificielle de ses prestations visant, selon les juges du fond à éluder l’impôt, et non de la simple réitération d’une application d’un taux de TVA erroné.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.