Intérêts de retard et mention expresse : illustration de l’importance de produire une note annexe détaillée en fait et en droit

Par une décision rendue le 13 mai 2020, la CAA de Paris retient la qualification de mention « expresse » et précise que la note jointe doit également être regardée comme constituant une régularisation spontanée au sens du a du II de l’article 1758 A du CGI, et a en tout état de cause mis l’administration fiscale en mesure de demander à l’intéressé de procéder à une déclaration rectificative dans le délai de 30 jours excluant ainsi l’application de la majoration de 10 %.

Rappels sur la mention « expresse »

Pour rappel, la « mention expresse » est une garantie légale prévue par l’article 1727, II, 2° du CGI, qui permet à un contribuable de ne pas supporter d’intérêts de retard en cas de rectification ultérieure par l’Administration. Elle consiste à « mentionner » par une indication expresse portée sur la déclaration ou dans une note annexée, les motifs de droit ou de fait qui le conduisent à ne pas reporter des éléments d’imposition, en totalité ou en partie, ou à leur donner une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée. Seuls les contribuables qui ont régulièrement déposé les déclarations auxquelles ils étaient tenus peuvent être admis au bénéfice de la mention expresse.

Rappels des faits

CAA Paris, 13 mai 2020, n°18PA02359

Un contribuable exerçant la profession d’auteur, scénariste et réalisateur a déclaré au titre de l’année 2013 le montant de droits d’auteurs qu’il avait perçus dans la catégorie des micro-BNC, au lieu de les reporter dans la sous-rubrique « BNC régime déclaration contrôlée ». Il a par ailleurs joint à sa déclaration une note détaillée expliquant la nature de ses revenus, faisant notamment mention du montant des recettes tirées de ses droits d’auteur pour lesquels il revendiquait l’application de l’article 93-1 quater du CGI (qui peut offrir un traitement fiscal plus favorable).

L’Administration n’a pas tenu compte des droits d’auteurs mentionnés dans la rubrique micro-BNC pour le calcul de l’impôt sur le revenu 2013, et n’a retenu que le montant déclaré en traitements et salaires par ailleurs.

À l’issue d’un contrôle sur pièces, l’Administration redresse le contribuable à raison des droits d’auteur perçus dans le cadre de l’article 93-1 quater du CGI en appliquant les intérêts de retard visés à l’article 1727 du CGI et la majoration de 10 % prévue à l’article 1758 A du CGI.

Le contribuable obtient gain de cause devant la CAA de Paris sur les 2 sujets :

  • D’une part, selon la Cour, les intérêts de retard n’étaient pas applicables, la note annexée devant être assimilée à une mention expresse au sens du II-2 de l’article 1727 du CGI, dans la mesure où elle comportait des éléments précis et circonstanciés, permettant à l’administration fiscale d’apprécier parfaitement la situation du contribuable et de corriger l’erreur commise dans sa déclaration le cas échéant. La Cour relève par ailleurs que l’Administration ne pouvait ignorer que le revenu en cause ne pouvait pas bénéficier du régime déclaré par contribuable au regard des montants en cause.
    Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence du Conseil d’État qui juge qu’une note annexée par un contribuable à sa déclaration n’est de nature à l’exonérer des sanctions prévues en cas de bonne foi que si elle contient les indications permettant à l’Administration de vérifier si l’intéressé remplit les conditions posées par le texte qu’il invoque (CE, 26 juillet 1982, n°27710 ; CE, 29 juillet 1983, n°33998, 34224, 34180 et 34368).
    En pratique, rappelons d’ailleurs qu’il ne faut pas négliger l’importance d’une rédaction détaillée, en fait et en droit, des mentions expresses, pour en assurer la portée (voir CAA Versailles, 1re chambre, 5 novembre 2019, n°18VE01190 pour une interprétation exigeante de l’article 1727 du CGI requérant cumulativement des motifs de droit et de fait alors que le texte exige des « motifs de droit ou de fait » et conforme à la position du Conseil d’État, CE 10 mars 2017 n°396843).
    À l’inverse, souvenons-nous que le TA de Montreuil a pu admettre, quant à lui, la validité d’une mention expresse alors même que les motifs invoqués ne reposaient sur aucune base légale (TA de Montreuil, 26 septembre 2019, n°1706962, Sté NRJ Group sur le sujet du bénéfice mondial consolidé).
  • D’autre part, la Cour juge que cette note doit également être regardée comme constituant une « régularisation spontanée » au sens de l’article 1758 A, II-a du CGI et a, en tout état de cause, mis l’Administration en mesure de demander au contribuable de procéder à une déclaration rectificative dans le délai de 30 jours, excluant ainsi que lui soit appliquée la majoration de 10 % prévue par l’article 1758 A du CGI.
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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]