Imputation des crédits d’impôt étrangers : Fin de la « tunnelisation » que le résultat soit bénéficiaire ou déficitaire – Suite et fin de la JP Crédit Agricole

Sur décision de renvoi, la CAA de Versailles fait application de la décision du Conseil d’État mettant fin à la « tunnelisation » en fonction du taux d’IS des crédits d’impôt étrangers (CE, 26 juin 2017, n°386269, SA Crédit Agricole). Elle juge ainsi qu’un crédit d’impôt peut être imputé sur l’IS sans qu’il soit nécessaire de distinguer selon que l’impôt est dû au taux normal ou au taux réduit, mais également sans qu’il soit nécessaire de distinguer selon que le résultat d’ensemble est bénéficiaire ou déficitaire.

En bref, l’article 220, 1 du CGI permet l’élimination de la double imposition des revenus de capitaux mobiliers, de source française ou étrangère, perçus par une entreprise, par l’imputation d’un crédit d’impôt.

Le Conseil d’État a ainsi admis que l’imputation du crédit d’impôt attaché aux revenus mobiliers de source étrangère perçus au cours d’un exercice s’opère sur l’IS mis à la charge du bénéficiaire de ces revenus, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que cet impôt est dû au taux normal ou au taux réduit (CE, 26 juin 2017, n°386269, SA Crédit Agricole).

Abandonnant la position adoptée en 2012 (CE, 29 octobre 2012, n°337253, SA Crédit Agricole), il a ainsi mis fin à la « tunnelisation » – ou compartimentalisation – en fonction du taux d’IS des crédits d’impôt étrangers, encore retenue par l’Administration dans ses commentaires inchangés (BOI-IS-RICI-30-10-20-20 en date du 1er février 2017, § 70).

L’histoire

La société Crédit Agricole, tête d’un groupe d’intégration fiscale, avait réalisé au titre des exercices 2001 et 2002, une perte au titre du résultat d’ensemble soumis à l’IS au taux normal et un résultat d’ensemble bénéficiaire au titre du résultat soumis au taux réduit de 19 %. Pour acquitter partiellement l’impôt dû au titre du résultat soumis au taux réduit de 19 %, elle avait imputé les crédits d’impôt relatifs aux revenus de source étrangère ayant fait l’objet d’une RAS et perçus par les sociétés membres du groupe.

L’administration fiscale a remis en cause l’imputation de ces crédits d’impôt afférents aux revenus de capitaux mobiliers de source étrangère, estimant que ceux-ci pouvaient uniquement être imputés sur le montant de l’IS dû au taux normal, et non sur l’IS dû au taux réduit.

La société Crédit Agricole a demandé la restitution de la totalité des cotisations d’IS et des contributions additionnelles [ainsi qu’à titre subsidiaire, la restitution des avoirs fiscaux], résultant de cette remise en cause de l’imputation des crédits d’impôt relatifs aux revenus de source étrangère perçus par les sociétés membres du groupe.

Ni le TA de Cergy Pontoise, ni la CAA de Versailles n’ont donné gain de cause à la société. Le Conseil d’État a toutefois annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire à la Cour (CE, 26 juin 2017, n°386269, SA Crédit Agricole : abandonnant sa jurisprudence antérieure, le CE admet l’imputation sur l’IS, sans distinguer selon qu’il soit dû au taux normal ou au taux réduit, des crédits d’impôt attachés à des revenus de valeurs mobilières étrangères).

La décision

La CAA de Versailles se prononce donc désormais sur ce renvoi.

En toute logique, elle aligne sa position sur celle dorénavant bien établie du Conseil d’État à l’occasion de cette même affaire (voir CE, 26 juin 2017, n°386269, SA Crédit Agricole; CE, 28 mars 2018, n°383773, Sté Axa; CE, 27 juin 2018, n°406437, Sté BPCE) et juge que l’imputation « (…) selon les règles énoncées respectivement au a) et au b) du 1 de l’article 220 du code général des impôts, de l’impôt retenu à la source sur les revenus de source française et sur les revenus de source étrangère perçus au cours d’un exercice s’opère sur l’impôt sur les sociétés à la charge du bénéficiaire de ces revenus au titre de cet exercice, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que cet impôt est dû au taux normal ou au taux réduit ».

Elle précise par ailleurs, ainsi que le plaidait la rapporteure publique Emilie Bokdam-Tognetti sous la décision du Conseil d’État, que pour procéder à cette imputation il n’est pas nécessaire de distinguer si le résultat d’ensemble est bénéficiaire ou déficitaire.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]