Imputation sur base élargie et fusions successives : les limites de l’exercice

Le transfert sur une base élargie des déficits d’une société non reprise dans le nouveau groupe est impossible. Peu importe que cette société ait, au préalable, été absorbée par une société qui appartenait au groupe cessant et qui a rejoint le nouveau groupe, après avoir bénéficié du transfert des déficits propres de la société absorbée.

La société Ypso France, tête d’un groupe intégré, auquel appartenaient les sociétés Numéricable et NC Numéricable, a été absorbée par la société Eno France le 15 juin 2006, avec effet rétroactif au 1er avril 2006. Le 30 juin 2006, la société Numéricable a procédé à la dissolution sans liquidation de société NC Numéricable, également avec effet rétroactif au 1er avril 2006.

Le 11 septembre 2006, la société Eno France a formulé une option aux fins d’élargir son propre groupe d’intégration à la société Numéricable (CGI, art. 223 L, 6, c), avec effet au 1er avril 2006. Au préalable, elle avait demandé le transfert des déficits propres de la société Ypso France (CGI, art. 209, II), ainsi que des déficits d’ensemble du groupe cessant, afin de les imputer sur une base élargie (CGI, art. 223 I, 6).

Pour mémoire, le mécanisme d’imputation sur une base élargie permet à la société absorbante, lorsqu’elle crée un nouveau groupe fiscal, comprenant tout ou partie des filiales membres du groupe constitué par la société absorbée, de bénéficier du transfert du solde du déficit d’ensemble du groupe cessant, subsistant après imputation sur les réintégrations de sortie. Ce déficit peut ensuite être imputé sur les bénéfices de la société absorbante, ainsi que, dans une certaine mesure, sur les résultats des sociétés du groupe dissous qui font partie du nouveau groupe. Ce transfert requiert l’obtention d’un agrément, qui ne peut être délivré que pour les déficits qui proviennent de la société absorbée ou des sociétés membres du groupe auquel il est mis fin et qui font partie du nouveau groupe.

Il faut donc que les sociétés dont proviennent les déficits aient, à la fois, fait partie du groupe cessant et soient membres du nouveau groupe.

Tel était incontestablement le cas de la société Numéricable. En revanche, le Conseil d’Etat, confirmant la position de l’Administration, considère que cette seconde condition fait défaut s’agissant de la société NC Numéricable, qui n’existait plus au 1er avril 2006. Il importe peu à cet égard que cette disparition résulte d’une absorption par une société membre du groupe cessant qui a elle-même rejoint le nouveau groupe et a bénéficié du transfert des déficits propres de la société absorbée.

On peut s’interroger sur la pérennité de cette solution, inédite et rigoureuse, sous l’empire du régime actuel, qui, sans viser cette hypothèse, permet le maintien du mécanisme de l’imputation sur base élargie en cas de sortie ultérieure du nouveau groupe de la filiale titulaire du déficit, lorsqu’elle résulte d’une fusion avec une autre société du groupe (CGI, art. 223 R, tel que modifié par la LFR 2009).

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Patrick Fumenier

Patrick Fumenier a été avocat associé en charge de développer le knowledge management au sein de Deloitte Société d’Avocats de septembre 2016 jusqu’à son départ du Cabinet en janvier 2020. […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.