Gel des versements de dividendes : Les précisions du Gouvernement

Pour mémoire, Bruno Le Maire avait indiqué le 27 mars dernier qu’il ne serait pas possible aux entreprises versant des dividendes à leurs actionnaires de bénéficier des mesures de soutien mises en place par le Gouvernement. Par le biais d’une mise à jour de sa page dédiée aux mesures de soutien pour faire face à la crise sanitaire, le Gouvernement a précisé la portée de cette mesure.

Pour rappel, les textes de loi en vigueur sur les dates de paiement n’ont pas été modifiés par les nouveaux textes (loi, ordonnances, …). Les dispositifs mis en place de reports d’échéances fiscales ou sociales, remboursement anticipé de crédit d’impôt (etc.) émanent d’une tolérance du gouvernement mentionnée sur le site de l’Administration. C’est par ce même canal que l’Administration subordonne le bénéfice de ces tolérances à l’absence de distribution de dividendes.

En revanche, le recours assoupli au chômage partiel est issu des ordonnances adoptées dans le cadre de la Loi d’Urgence et ne pourrait, selon nous, être subordonné à des conditions complémentaires que par ce même canal.

Economie générale de la mesure

Seraient concernées les grandes entreprises qui entendent bénéficier de reports de charges sociales ou fiscales ou bénéficier de la garantie de l’État pour de nouveaux emprunts bancaires. On notera qu’il serait en revanche possible de cumuler chômage partiel et versement de dividendes. Il est, en tout état de cause, expressément précisé que les entreprises pourront bénéficier des remboursements anticipés de crédits d’impôts sans avoir à prendre l’engagement de ne pas distribuer de dividendes.

Il leur faudrait prendre l’engagement de ne pas verser de dividendes en 2020 à leurs actionnaires en France ou à l’étranger (hors entités ayant l’obligation légale de distribuer une fraction au cours de l’année 2020) et ne pas procéder à des rachats d’actions au cours de l’année 2020.

Toutefois, les entreprises qui ont pris de telles mesures avant le 27 mars 2020, jour de l’annonce du dispositif par le Gouvernement, ou qui ont une obligation légale de versement de dividende, ne sont pas concernées par cet engagement.

En cas de non-respect de cet engagement, et notamment d’une décision des organes d’administration de l’entreprise qui ne serait pas conforme à ces règles, les cotisations sociales ou échéances fiscales reportées ou le prêt garanti par l’État devront être remboursés avec application des pénalités de retard de droit commun. Ces majorations seront décomptées à partir de la date d’exigibilité normale des échéances reportées.

Notion de « grande entreprise »

Il peut s’agir :

  • soit d’une entreprise indépendante, soit d’un groupe de plusieurs entités liées
  • qui emploient, lors du dernier exercice clos, au moins 5 000 salariés
  • ou ont un chiffre d’affaires consolidé supérieur à 1,5 milliard d’euros en France

La définition du groupe peut être prise en faisant référence à la définition utilisée pour la CVAE (article 1586 quater I bis du CGI) ou l’intégration fiscale (article 223 A du CGI).

Pour les groupes, l’engagement de ne pas verser de dividendes couvre l’ensemble des entités et filiales françaises du groupe considéré, quand bien même seules certaines de ces entités ou filiales bénéficieraient d’un soutien en trésorerie.

Notion de « dividendes »

Sont concernés non seulement les dividendes au sens strict, mais également toutes les autres formes de distribution en numéraire ou en actions (notamment, acomptes sur dividendes et les distributions exceptionnelles de réserves, versement de dividendes en actions).

Cas particulier des distributions intra-groupe : les distributions intragroupes sont possibles, lorsqu’elles ont pour effet, au final, de soutenir financièrement une société française (notamment lui permettre de respecter ses engagements contractuels vis-à-vis de ses créanciers). Les distributions réalisées par les entités étrangères du groupe au profit des entités françaises de celui-ci ne remettent pas en cause les aides demandées par ces dernières.

Rachats d’actions

Sont autorisés :

  • les rachats d’actions destinés à l’attribution d’actions aux salariés, ainsi que ceux destinés à l’exécution d’un engagement juridique antérieur au 27 mars 2020 (par exemple, au titre d’une valeur mobilière donnant accès au capital)
  • les rachats d’actions dans le cadre de contrats de liquidité conclus avant le 27 mars 2020 et non modifiés par la suite
  • les rachats d’actions dans le cadre d’une opération de croissance externe sont autorisés, à condition qu’ils soient nécessaires et que l’opération de croissance externe ait fait l’objet d’un engagement juridique de la société antérieur au 27 mars 2020

Ne sont pas autorisés :

  • les rachats d’actions effectués en vue d’une réduction de capital non motivée par des pertes à des fins de gestion

En cas de contrôle, il incombera à l’entreprise d’établir la raison pour laquelle les rachats d’actions ont été réalisés et la réalité de l’affectation des actions rachetées aux fins qu’elle invoque (sans qu’il ne soit toutefois nécessaire que les actions rachetées aient été effectivement utilisées à cette fin à la date du contrôle). Il est précisé que l’interdiction des rachats d’actions à des fins de gestion financière s’applique également aux réductions de capital non motivées par des pertes, par réduction du montant nominal des actions à des fins de gestion financière.

Quid des opérations effectuées avant le 27 mars (date d’annonce de la mesure) ?

Pour les dividendes, le critère déterminant sera la date de la décision de l’organe compétent de procéder à la distribution :

  • si antérieure au 27 mars, éligibilité de l’entreprise aux mesures de soutien en trésorerie
  • si postérieure au 27 mars, l’entreprise ne pourra plus solliciter le bénéfice des mesures de soutien ou, si elle en a déjà bénéficié, elle devra s’acquitter du remboursement assorti des intérêts de retard

Sont sans incidence :

  • le fait que le montant du dividende ait préalablement été annoncé
  • le fait que l’assemblée ait commencé à être convoquée sur un ordre du jour incluant le versement d’un dividende
  • la date de détachement et la date de mise en paiement du dividende
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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.