Exonération de la plus-value immobilière afférente à la « résidence secondaire » d’un non-résident fiscal de France en application de la convention fiscale franco-suisse

En raison de la clause d’égalité de traitement prévue à l’article 15 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966, un résident fiscal suisse ne peut être exclu du bénéfice de l’exonération « résidence secondaire » prévue à l’article 150 U, II, 1° bis du CGI dès lors qu’il en remplit les conditions.

Au cours de l’année 2012, un résident fiscal suisse avait cédé un bien immobilier situé en France et avait été soumis au prélèvement de l’article 244 bis A du CGI sur la plus-value immobilière ainsi réalisée.

Le résident fiscal suisse a demandé à bénéficier de l’exonération « résidence secondaire » prévue au 1° bis du II de l’article 150 U du CGI et, à titre subsidiaire de l’application du taux réduit de 19 % en vertu de la convention franco-suisse.

Le TA de Montreuil a fait partiellement droit à sa demande et a décidé que, certes le contribuable n’était pas résident fiscal en France à la date de la cession et ne pouvait donc être exonéré de l’imposition en cause sur le fondement des dispositions de droit interne, mais qu’il était fondé en application des dispositions de l’article 15-4 de la convention fiscale franco-suisse, à bénéficier du taux d’imposition de 19 % applicable aux plus-values de cession de biens immobiliers réalisées par les résidents fiscaux français.

En appel, la CAA de Versailles a prononcé la décharge du reliquat d’imposition restant à la charge du contribuable en retenant le moyen tiré de l’incompatibilité des dispositions de droit interne avec le droit de l’UE. Elle a ainsi jugé que la différence de traitement fiscal d’une même opération de cession entre résidents et non-résidents, liée à l’exclusion de ces derniers du bénéfice de l’exonération prévue au 1° bis du I de l’article 150 U, constitue une entrave à la liberté de circulation des capitaux prohibée par l’article 63 du TFUE. Le ministre de l’action et des comptes publics s’est donc pourvu en cassation.

Le CE adopte, quant à lui, un raisonnement en 3 étapes et relève que :

  • L’article 244 bis A, I du CGI, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, prévoit que les personnes physiques non-résidentes fiscales de France sont soumises, sous réserve des conventions fiscales internationales, à un prélèvement spécifique sur les plus-values de biens immobiliers. Selon l’article 244 bis A, II, 1° du CGI, lorsque ce prélèvement est dû par des contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu, les plus values sont notamment déterminées en considération de l’article 150 U, I, et II 2° à 9° du CGI
  • L’article 244 bis A, II, 1° du CGI renvoie aux seules dispositions de l’article 150 U, I, et II 2° à 9° du CGI – à l’exclusion de l’article 150 U, II, 1° bis du CGI. En ce sens, il écarte les personnes physiques non résidentes fiscales de France de l’exonération prévue en faveur de la 1è cession d’un logement autre que la résidence principale visée au 1° bis du même article. Pour rappel, cette exonération s’applique dans la limite d’une seule cession, à la fraction du prix de cession employée, dans un délai de 24 mois à compter de la cession, à l’acquisition ou la construction d’une résidence principale, lorsque le cédant n’a pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des 4 années précédant la cession
  • En application de l’article 15-1 de la convention fiscale franco-suisse, les plus-values immobilières sont imposables dans l’État de situation des biens immobiliers correspondants. Dès lors, aux termes de l’article 15-4 de cette même convention : « 4. Les gains provenant de l’aliénation des biens mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3, tels qu’ils sont retenus pour l’assiette de l’impôt sur les plus-values, sont calculés dans les mêmes conditions, que le bénéficiaire soit résident de l’un ou de l’autre État contractant. Si ces gains sont soumis dans un État contractant à prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, ce prélèvement est calculé dans les mêmes conditions, que le bénéficiaire soit résident de l’un ou de l’autre État contractant

Le CE en conclut que ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que, les plus-values afférentes à la cession de biens immobiliers doivent être imposées dans les mêmes conditions que le bénéficiaire soit résident fiscal français ou suisse, ce qui implique notamment qu’un résident suisse ne peut être exclu du bénéfice de l’exonération prévue par le 1° bis du paragraphe II de l’article 150 U du code général des impôts, s’il en remplit les conditions.

En conséquence, le CE juge que la CAA a entaché sa décision d’une erreur de droit en omettant de rechercher si, au vu des éléments du dossier, le requérant remplissait les conditions pour bénéficier de l’exonération prévue au 1° bis du II de l’article 150 U du CGI. L’arrêt d’appel est cassé et l’affaire renvoyée devant la CAA de Versailles.

En pratique, cette solution devrait être transposable aux conventions fiscales comportant une clause d’égalité de traitement similaire. En effet, comme le souligne le Rapporteur public, Marie-Astrid de Barmon, dans ses conclusions : la « décision Min. c. Aaron du 20 novembre 2013 juge [dans le même sens] qu’il résulte de ces stipulations que l’assiette de l’imposition frappant ces plus-values doit être déterminée de la même manière que le contribuable ait sa résidence fiscale en France ou en Suisse, et que, lorsque la plus-value est imposable en France, le taux du prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu ne peut excéder, pour un résident fiscal suisse, celui applicable à un résident fiscal français (n° 361167, RJF 2014 n° 149, conclusions au BDCF 2014 n° 20). Il est donc acquis que cette clause d’égalité de traitement, qui, comme l’indiquait Frédéric Aladjidi dans ses conclusions sur cette affaire, va au-delà de la clause de non-discrimination en fonction de la seule nationalité que l’on retrouve dans le modèle OCDE, implique un alignement des règles d’assiette et de taux au bénéfice, en l’occurrence, des résidents suisses propriétaires de biens ou droits immobiliers en France. »

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]