Ecart de change réalisé à l’occasion de la cession de titres étrangers

Le Conseil d’État juge, dans un arrêt publié au recueil Lebon, que le gain de change réalisé à l’occasion de la cession à titre onéreux de valeurs mobilières est une composante de la plus-value réalisée par un particulier et imposable à ce titre sur le fondement de l’article 150-0 D du CGI.

Pour mémoire, les plus ou moins-values de cession de valeurs mobilières sont constituées par l’écart entre le prix effectif d’acquisition des titres et leur prix effectif de cession (CGI, art. 150‑0 D).

La loi est silencieuse quant aux modalités de détermination de cette plus ou moins-value lorsque les opérations sont effectuées en monnaie étrangère. Autrement dit, elle ne se prononce pas sur le sort des gains ou des pertes de change éventuels.

Dans ses commentaires au BOFiP, l’Administration indique qu’en cas de transaction sur un marché situé hors de France, le cours doit être converti en euros par application du taux de change applicable à la date de l’opération (voir BOI-RPPM-PVBMI-20-10-10-10-20/12/2019 § 20 pour le prix de cession ; BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-20-20/12/2019 § 170 pour le prix d’acquisition).

L’histoire

Dans cette affaire, 2 contribuables (personnes physiques) ont acquis en 2013 les actions d’une société américaine au prix de 285 k dollars. En 2015, ils les ont cédées pour 367 k dollars, réalisant un PV d’environ 83 k dollars. Pour déterminer le montant de la PV imposable à déclarer, ils ont procédé à la différence entre le prix de cession en dollars des actions et leur prix d’acquisition en dollars, avant de convertir le gain en euros au taux de change en vigueur à la date de la cession.

L’Administration a remis en cause cette méthode de calcul, estimant que la PV devait être déterminée à hauteur de la différence entre les prix de cession et d’acquisition, après conversion de chacun d’entre eux sur la base des cours du dollar respectivement au moment de la cession et de l’acquisition. Les contribuables ont contesté ce mode opératoire, estimant notamment qu’il conduisait à les imposer pour partie sur une plus-value non perçue.

La décision du Conseil d’État

Confortant la décision des juges du fond, le Conseil d’État valide la méthode de calcul retenue par l’Administration. Il juge, de manière dépourvue de toute ambiguïté, que les gains ou pertes de change pouvant être constatés lors de la cession de titres constituent une composante des gains nets ou moins-values réalisés et doivent à ce titre être pris en compte pour la détermination des sommes imposables en application de l’article 150-0 A du CGI.

Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence Zeta du Conseil d’État, en matière de PV immobilières professionnelles (CE, 12 mars 2014, n°352212,). Le Conseil d’État y avait jugé que le gain de change associé à la cession d’un immeuble au Japon faisait partie intégrante de la plus-value de cession dégagée à cette occasion. La convention franco-japonaise ne comportait aucune stipulation distinguant les écarts de change résultant de l’aliénation des biens immobiliers des autres profits de cette aliénation ; dès lors, l’écart de change litigieux était, au même titre que la plus-value de cession, imposable au Japon.

Cette solution avait ensuite été déclinée au cas des plus-values de cession de titres de participations détenus par une société (CAA Versailles, 19 décembre 2019, n°17VE01521, Sté Securitas France Holding), puis au cas des plus-values immobilières réalisées par des particuliers (CAA Marseille, 4 février 2020, n°18MA04333).

Photo de Alice de Massiac
Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

Photo de Clara Maignan
Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.