Droit de communication et renseignements obtenus dans le cadre de l’assistance administrative internationale

Selon la CAA de Lyon, l’article 22 de la convention fiscale franco-allemande (« clause de secret »), interprété à la lumière des objectifs et des dispositions de la Directive relative à l’assistance mutuelle des autorités compétentes des EM, ne fait pas obstacle à la communication au contribuable français des renseignements fournis par les services fiscaux allemands.

Les textes

En application de l’article L 76 B du LPF, l’Administration doit (2 obligations distinctes mais liées) :

  • informer le contribuable sur la teneur et l’origine des renseignements et documents obtenus auprès de tiers, sur lesquels elle s’appuie pour motiver des rectifications ;
  • communiquer sur demande du contribuable, et avant la mise en recouvrement des impositions, les documents qu’elle a ainsi invoqués (BOI-CF-PGR-30-10-20191030 n°200).

Le non-respect par l’Administration de l’une ou l’autre des garanties prévues par l’article L 76 B du LPF, qui sont attachées au respect des droits de la défense dans le cadre des opérations de contrôle, constitue une erreur substantielle. Il entache la procédure d’irrégularité et entraîne la décharge des impositions fondées sur l’utilisation de ces renseignements et documents (BOI-CF-PGR-30-10-20191030 n°210).

En revanche, l’Administration n’est pas tenue de communiquer les documents qu’elle a obtenus dans le cadre de l’assistance administrative internationale lorsque la convention internationale fondant l’échange d’informations entre États contient des clauses restrictives interdisant la communication au contribuable. Les documents obtenus dans ce cadre ne peuvent pas être transmis au contribuable, alors même que les informations qu’ils contiennent ont été régulièrement exposées dans la proposition de rectification. L’absence de communication est sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition (BOI-CF-PGR-30-10-20191030 n°380).

L’histoire

À l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale redresse un contribuable à hauteur de commissions qu’il aurait perçues d’une société allemande dans le cadre de la procédure d’évaluation d’office.

Avant la mise en recouvrement, le contribuable a demandé à l’Administration la copie des documents lui ayant permis de fonder le redressement sur le fondement de l’article L 76 B du LPF. L’Administration lui a opposé un refus au motif que les renseignements avaient été obtenus dans le cadre de l’assistance administrative internationale. Dans ce contexte, l’Administration a considéré qu’elle n’était pas tenue de lui communiquer les documents correspondants dans la mesure où la convention internationale applicable et fondant l’échange d’information entre les États concernés (France et Allemagne) contenait des clauses restrictives interdisant la communication au contribuable (Art. 22 de la convention franco-allemande du 21 juillet 1959).

L’affaire est portée devant les juridictions. En première instance, le TA de Lyon rejette la demande du contribuable qui entendait obtenir la décharge des sommes réclamées sur cette base. Ce dernier fait donc appel de la décision devant la CAA de Lyon.

La décision

Dans un premier temps, la CAA de Lyon relève notamment que :

  • Il ne ressort pas des termes de l’article 7 de la Directive (i.e. directive n°77/799/CEE du Conseil du 19 décembre 1977, modifiée par la directive 79/1070/CEE du 6 décembre 1979 relative à l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et de la TVA) que le secret des documents serait opposable aux contribuables directement concernés.
  • Les articles L 114 A et R 114 A-3 du LPF assurent en outre la transposition des dispositions de la Directive en droit interne. L’article R 114 A-3 du LPF précise à ce titre que : […] « L’Administration française utilise les renseignements reçus de l’Administration d’un autre État membre de la Communauté économique européenne dans les conditions et limites prévues aux articles L. 103 et suivants. / Toutefois, sur demande de l’Administration de l’autre État, elle respecte les conditions plus strictes prévues à des fins internes par la législation de cet État ».
  • Aux termes de l’article 22 de la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 dans sa version modifiée : « (1) Les États contractants se prêteront mutuellement une assistance administrative et juridique en ce qui concerne l’assiette et le recouvrement des impôts visés à l’article 1er. (2) À cette fin, les États contractants conviennent que leurs autorités compétentes échangeront notamment les renseignements d’ordre fiscal dont elles disposent ou qu’elles peuvent se procurer conformément à leur législation et qui leur seraient nécessaires pour l’application de la présente Convention ainsi que pour éviter l’évasion fiscale. Ces renseignements conserveront un caractère secret et ne seront communiqués qu’aux personnes chargées, en vertu des dispositions légales, de l’assiette et du recouvrement des impôts visés par la présente Convention. (…) ».

Pour juger, dans un second temps, que les stipulations de l’article 22 de la convention fiscale franco-allemande doivent être interprétées à la lumière des objectifs et des dispositions précitées de la Directive. Dès lors, elles ne font pas obstacle, pour les renseignements et documents échangés entre administrations fiscales, à la communication au contribuable français (directement concerné par l’établissement de l’impôt/le contrôle administratif de l’établissement de l’impôt) des renseignements fournis par les services fiscaux allemands.

Elle en déduit qu’à défaut de communication au contribuable des documents demandés, avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, la procédure d’imposition est entachée d’irrégularité. Elle annule en conséquence le jugement du TA de Lyon.

Pour mémoire, dans le sens inverse, il avait été précédemment jugé que l’Administration peut, sans entacher d’irrégularité la procédure d’imposition, refuser la communication au contribuable de documents obtenus d’une administration étrangère en application d’une convention fiscale qui interdit toute communication des renseignements échangés :

  • TA Besançon 17 avril 1997 n°94-1127, Sté Decoflock Clara Lander : concernant l’article 26 de la Convention fiscale franco-américaine du 28 juillet 1967 modifiée ;
  • TA Paris 5 juillet 2000 n°95-10041, 95-10227, 95-14219, 1e sect., 4e ch., Sté People productions : concernant l’article 28 de la Convention franco-néerlandaise du 16 mars 1973 ;
  • CAA Paris 21 décembre 2007 n°06-941, 7e ch., Sté Simexipa : concernant l’article 23 de la Convention fiscale franco-danoise du 8 février 1957.

Selon certains auteurs, cette analyse posait d’ailleurs une réelle difficulté au regard du principe des droits de la défense (cf. art. 6, § 1 de la Convention EDH). Cependant, elle était dans le prolongement de la position du Conseil d’État selon laquelle est inopérant le moyen tiré de ce que la rétention de documents obtenus dans le cadre de l’assistance administrative internationale porterait atteinte au caractère contradictoire de la procédure de redressement (CE, 8e et 9e ss-sect., 5 mars 1993, n°105069, Mlle Rohart).

Il était donc attendu que la conclusion par la France de nouvelles conventions fiscales ou d’avenants à des conventions existantes comportant une clause d’échange de renseignements calquée sur le modèle OCDE de convention fiscale dissipe peu à peu le problème. En effet, l’article 26-2 de la Convention-modèle OCDE stipule que les renseignements communiqués par l’Administration d’un État contractant à celle de l’autre État contractant sont révélés aux personnes concernées par l’établissement ou le recouvrement des impositions. Néanmoins, les commentaires sous cet article prévoient seulement une possibilité de communication de l’information au contribuable (« the information may also be communicated to the taxpayer », § 12 du commentaire).

La CAA de Lyon semble avoir pris quelques pas d’avance.

Photo de Alice de Massiac
Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

Photo de Myriam Mouloudj
Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]