DAC 6 et les banques – Réflexions et illustrations

La modification apportée à la Directive sur la coopération administrative (DAC 6) impose aux intermédiaires européens (et dans certains cas aux contribuables européens concernés) de déclarer les opérations transfrontières potentiellement agressives ou abusives, appelées « dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration » (DTD).

Qu’est-ce qui rend un service bancaire déclarable ?

Pour synthétiser, un DTD signifie tout dispositif qui :

  • Concerne plus d’un Etat membre de l’UE ou un Etat membre de l’UE et un pays tiers (c’est-à-dire un « dispositif transfrontière ») ; et
  • Répond à au moins un des critères énumérés à l’annexe de la directive, qui constitue un indice de planification fiscale agressive et/ou d’évasion fiscale (dénommé « marqueurs »)

La plupart des banques devraient être, au moins dans une certaine mesure, impliquées dans des dispositifs transfrontières, soit parce qu’elles ont elles-mêmes un lien avec l’Union européenne et servent des clients résidents à l’étranger, soit dans le cas de banques de pays non engagés dans DAC 6 (i.e., hors UE), parce qu’elles rendent des services à des clients résidents dans un Etat membre de l’Union européenne.

Ceci étant dit, il est difficile de déterminer si les services bancaires répondent à l’un des marqueurs prévus par DAC 6 compte tenu de leur caractère très général.

Exemples de services bancaires qui pourraient répondre à un marqueur DAC 6

Si de nombreuses banques s’abstiennent de fournir des conseils fiscaux sous une forme traditionnelle, leurs services peuvent néanmoins affecter la situation fiscale de leurs clients et pourraient donc être concernés par DAC 6, comme le montrent les exemples, non exhaustifs, présentés ci-dessous :

  • Ainsi, certains services pourraient entrer dans le champ d’un marqueur s’ils ont un impact concernant l’obligation déclarative liée à la norme commune de déclaration (NCD). Un exemple simple est le cas où une banque transfèrerait le compte d’un client à une banque d’un autre pays qui n’échange pas d’informations avec le pays de résidence fiscale du titulaire de compte au titre de la NCD
  • Les services bancaires peuvent également répondre à l’un des marqueurs s’ils impliquent la facilitation d’opérations transfrontalières déductibles entre différentes entités d’un groupe client de la banque, par exemple, dans le cadre de services de centralisation de trésorerie, et le destinataire du paiement ne réside fiscalement dans aucun pays, réside dans un pays figurant sur une liste noire, est taxé à un taux de (presque) zéro ou bénéficie d’un régime fiscal préférentiel
  • Dans certains cas, les clients des services bancaires ont recours à des stratégies de placement motivées par un but fiscal (par exemple : transactions de type « cum-ex/cum-cum », prêt de titres lors du détachement du coupon, etc.), qui pourraient également entrer dans le champ des marqueurs
  • En outre, les marqueurs pourraient s’appliquer à certains mandats ou produits standardisés dont l’objectif principal serait de fournir aux investisseurs un résultat fiscal avantageux. Les produits visant à générer des gains en capital au lieu de dividendes pourraient notamment être concernés dans des pays où les gains en capital bénéficient d’un traitement fiscal préférentiel ou d’une exonération fiscale. Un autre exemple serait les produits synthétiques reproduisant l’exposition économique à une action sous-jacente tout en prévoyant un traitement fiscal plus avantageux
  • Enfin, les banques fournissant des services de banque privée offrent souvent à leurs clients un soutien supplémentaire en matière de gestion patrimoniale, de retraite, de succession, etc. En raison de la nature de ces sujets, les considérations fiscales constituent un aspect essentiel, ce qui pourrait potentiellement entrer dans le champ de l’un des marqueurs

Les banques sont-elles tenues de déclarer ?

Le fait que la banque ait ou non l’obligation de déclarer un DTD est fonction de ses liens avec l’Union européenne (par exemple, résidence ou prestation de services via une succursale dans l’UE) et de son degré d’implication. Dans de nombreux cas, l’intervention de la banque et, partant, sa connaissance des motivations fiscales du client ne devraient pas être suffisantes pour lui permettre de déterminer si un service entre dans le champ de l’un des marqueurs. Cela est d’autant plus vrai que plusieurs marqueurs nécessitent de savoir si l’un des principaux avantages d’un dispositif est d’obtenir un avantage fiscal.

Si la banque n’est pas obligée de déclarer, par exemple s’agissant d’une banque qui ne serait pas établie dans un Etat membre de l’Union européenne ou insuffisamment impliquée, l’obligation déclarative devra toujours être remplie par d’autres intermédiaires impliqués dans le dispositif et résidents dans l’Union européenne ou par des clients bénéficiaires du dispositif et résidents également dans l’Union européenne.

Que devraient faire les banques maintenant ?

Afin d’être prêt pour le premier reporting dans un an, les banques doivent commencer à mesurer l’impact de la réglementation sur leurs différents métiers.

Les exemples présentés ci-dessus renforcent la nécessité de mener une étude d’impact et d’analyser l’ensemble du catalogue de services rendus/produits offerts par la banque par rapport aux marqueurs de DAC 6. Cette étude permettra à la banque d’identifier les périmètres d’intervention, de prioriser les actions, d’affecter les ressources nécessaires et enfin de structurer son projet de mise en œuvre de manière appropriée.

En l’état actuel, et même si le périmètre exact de l’obligation déclarative demeure incertain, cette nouvelle réglementation pourrait avoir un impact opérationnel plus fort que FATCA/CRS en venant directement impacter les métiers de la banque.

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Etienne Genot

Etienne Genot a 25 ans d’expérience dans le secteur financier. Ses clients sont des banques, des compagnies d’assurances, des fonds ainsi que des sociétés de gestion. Il les accompagne dans […]

Guillaume Parmentier

Guillaume est un manager fiscal basé à Paris. Il a 6 ans d’expérience dans l’industrie des services financiers. Il conseille sur les transactions françaises et transfrontalières tant en termes de […]