Contentieux & Coronavirus : conflits en matière d’exécution des « contrats informatiques », la médiation est peut-être une solution !

La période du Coronavirus a été l’occasion pour les juristes de se pencher à nouveau sur certaines notions élémentaires du droit civil telles que la force majeure et l’imprévision. Cela a sans doute également provoqué chez certains des réflexions sur la pérennité des projets informatiques en cours ou accéléré des velléités de mettre un terme, voire de réduire le périmètre, d’une prestation d’externalisation au profit d’un mix cloud, infogérance applicative et production interne.

Sortie de vos contrats IT : quels sont les points de vigilance ?

L’objet de cet article est d’appréhender avec pragmatisme la sortie éventuelle de vos contrats. Il convient alors de se poser les bonnes questions tout en gardant à l’esprit les situations fréquentes de dépendance technologique qui pourraient s’avérer incompatibles avec des solutions purement juridiques.

Nombreuses sont en effet les situations où la résiliation, les pénalités ou les dommages et intérêts ne permettent pas de résoudre des situations engluées et préjudiciables.

Des exemples concrets

Prenons un projet informatique qui dérive. Les professionnels savent, d’expérience, que les parties auraient souvent de quoi se faire des reproches réciproques s’ils analysaient la situation de manière objective, sans passion.

Le premier grief pourrait d’ailleurs pointer sur un contrat mal rédigé ou décorrélé de la réalité opérationnelle du projet. On citera pour exemple un intégrateur qui fait signer à son client un contrat d’assistance à maîtrise d’œuvre ou encore un contrat de type « V model » qui régie la mise en œuvre d’une solution informatique en mode « Scrum » ou seulement inspiré des méthodes « Agile ».

Un diagnostic objectif et stratégique s’impose avant toute décision définitive.

Les contrats d’externalisation informatique (ITO) ne sont pas en reste.

La plupart des prestataires auront tenté, pendant le confinement, de poursuivre la fourniture de leur prestation du mieux qu’ils le pouvaient sans faire appel à la force majeure, possible justification de la suspension des obligations, voire de résiliation du contrat.

Quand les services externalisés étaient cruciaux pour l’activité du client, ce dernier était également intéressé à collaborer avec son prestataire pour trouver des solutions pratiques à la crise plutôt que de débattre de l’exécution à la lettre de l’exécution d’un contrat nécessairement perturbé.

Avant de décider d’opposer la force majeure à leur contrepartie, certains se sont livrés à l’exercice de l’analyse d’impact.

Celle-ci pouvait amener les parties à préférer une solution moins « juridique » et plus adaptée à la situation, comme celle de :

  • suspendre volontairement des prestations non critiques pour se concentrer sur celles qui le sont davantage
  • réduire, modifier ou supprimer certaines prestations. Pendant le confinement, le télétravail a pu changer la façon d’opérer. Certaines de ces nouvelles pratiques pourront même être pérennisées via la signature d’un avenant et la revue du modèle économique associé au contrat
  •  revoir provisoirement les engagements de niveaux de services, le plan qualité service, le plan de continuité d’activité
  • repenser les indicateurs de niveaux de services en fonction des « vrais » enjeux
  • revoir temporairement la localisation des services, engager de nouveaux sous-traitants ou proposer d’automatiser certains processus
  • penser à faire intervenir des prestataires tiers pour leur expertise ou leur plus grande disponibilité, aux frais de l’une ou l’autre des parties selon les circonstances
  • penser à revisiter le plan de réversibilité, etc.

Naturellement, aucune de ces modifications ne devraient remettre en cause la sécurité des données personnelles traitées sur les serveurs ou par les équipes du prestataire pour ne pas s’exposer à des sanctions élevées sur le fondement du RGPD.

Certaines mesures prendront fin quand les entreprises reprendront le cours normal de leur activité. L’avenant signé à cette occasion devra prévoir ces mesures ainsi que leur « après » par l’adoption d’un calendrier comportant, si possible, des alternatives.

Si la décision s’orientait finalement en faveur de la sortie du contrat, il faudrait garder à l’esprit qu’un mauvais accord, où les rôles sont mal définis, est à l’origine de bien des difficultés.

Le simple fait de se poser les bonnes questions et de les partager le cas échéant avec son prestataire, est parfois de nature à désamorcer des contentieux nécessairement aléatoires et à remettre sur les rails une relation contractuelle plombée par un contrat qui la dessert.

Nos recommandations

Plutôt que de prendre des décisions prématurées fondées sur l’application stricte d’un contrat imparfait, nous ne saurions que trop recommander de saisir l’occasion pour examiner attentivement les inadéquations du contrat, de réévaluer ses besoins, de prendre conscience de ses propres faiblesses, d’identifier les enjeux et contraintes entourant la prestation et d’analyser les risques et coûts associés à un changement de prestataire ainsi que les alternatives éventuelles.

Toutefois et afin que les parties se sentent pleinement libres de discuter, les échanges devront être réalisés sous le sceau de la confidentialité. La médiation, par nature confidentielle, utilisée à bon escient, donne de très bons résultats en ce domaine, loin de tout dramaturgie contentieuse, exclusivement préoccupée d’une solution acceptable par les deux parties.

 

Hervé Gabadou

Avocat Associé, Hervé dirige l’activité juridique, Digital & Innovation, du cabinet d’avocats Deloitte Legal. Il accompagne différents acteurs du secteur privé et public dans leurs projets de transformation numérique faisant […]