Cameroun – Loi de Finances 2018

La Loi de Finances 2018 du Cameroun, dont certaines mesures sont présentées ci-après, a été définitivement adoptée par le parlement et publiée au journal officiel du 21 décembre 2017. Nous vous présentons une sélection des mesures de la nouvelle loi. Cette description ne saurait donc être considérée comme exhaustive, il convient en effet de se référer au texte intégral pour les autres mesures prévues pour l’année 2018.

Le budget du Cameroun pour 2018 s’inscrit dans un contexte marqué notamment par une réduction des recettes pétrolières et douanières. Ainsi, les dispositions de la nouvelle Loi de Finances s’articulent autour des 3 principaux axes suivants :

  • L’élargissement de l’assiette fiscale afin d’accroître les recettes fiscales non pétrolières 
  • La sécurisation des recettes fiscales 
  • Le développement des mesures de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale

Dans ce cadre, la Loi de Finances pour 2018 (LF 2018) comporte de nombreuses mesures relatives aux droits de douane.

Droit de sortie à l’exportation

Il est instauré un taux commun du droit de sortie à l’exportation de 2 % de la valeur imposable des marchandises (FOB – Free on Board).

Une exonération est prévue pour l’exportation des produits industriels manufacturés au Cameroun, des produits du cru d’origine animale, végétale et minière ayant subi une ouvraison ou transformés au Cameroun.

Par dérogation au taux commun de 2 %, il existe des taux majorés. Il sera ainsi perçu un droit de sortie de 5 % sur l’exportation de certains produits comme la gomme arabique, la noix de cola, l’huile de palme, le poivre, etc.

Un droit de sortie majoré de 30 % s’appliquera sur la valeur imposable de chaque essence pour les bois exportés en grumes. Il convient de noter que ce droit s’applique également aux bois déclarés à destination des points francs industriels.

A noter enfin que les exportations des sociétés pétrolières, gazières et minières ainsi que celles effectuées par les sociétés agréées au régime des incitations à l’investissement privé restent régies par la réglementation sectorielle qui leur est applicable.

Obligation des intermédiaires agréés de communiquer l’état de toutes les transactions financières opérées avec l’étranger

La LF 2018 modifie les dispositions de l’article 5 de la Loi de Finances pour 2004 en matière de changes. Elle prévoit à la charge des intermédiaires agréés une obligation mensuelle et annuelle de communiquer par voie électronique, à la Direction générale des douanes, l’état de toutes les transactions financières opérées avec l’étranger aussi bien pour le compte de leurs clients que pour leur propre compte, conformément aux dispositions des articles 108 à 113 du Règlement n° 02/00/CEMAC/UMAC/CM du 29 avril 2000 sur l’harmonisation de la réglementation des changes dans les Etats membres de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale).

Sont également soumis à cette obligation les établissements de micro-finance donnant ordre aux intermédiaires agréés d’effectuer des transactions financières avec l’étranger pour leur compte ou celui de leurs clients.

Le défaut de transmission ou la transmission d’états erronés ou inexacts fait l’objet de sanctions, pouvant aller de la simple amende jusqu’à des sanctions administratives plus contraignantes telles que la suspension des activités douanières des contribuables indélicats ou le blocage de leurs comptes bancaires.

Les intermédiaires agréés ainsi que les établissements de micro-finance sont également tenus de transmettre à la Direction générale des douanes les états des devises acquises de l’étranger ainsi que le détail de leur distribution sur le marché financier.

Enfin, il est également institué une déclaration de soupçon à la charge des intermédiaires agréés en cas de doute sur la régularité d’une opération financière avec l’étranger. Cette déclaration, calquée sur celle prescrite en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, doit être effectuée auprès de la Direction générale des douanes. Le détail ainsi que les modalités de cette déclaration seront fixés par le Directeur Général des douanes. Une telle déclaration a notamment pour conséquence de protéger l’intermédiaire contre toute sanction en cas de constats d’infractions douanières sur les opérations dénoncées.

Dédouanement des logiciels, licences, redevances et autres droits d’usage importés au Cameroun

Faisant suite à divers contentieux ayant opposé l’administration des douanes à plusieurs opérateurs économiques sur ce thème, la LF 2018 soumet désormais les logiciels, redevances, droits d’usage, licences et mises à jour à des modalités de dédouanement quel que soit le moyen d’entrée au Cameroun.

Ainsi, des positions tarifaires distinctes sont prévues en fonction du mode d’acquisition du logiciel (par téléchargement, logiciel contenu dans un support, ou logiciel importé à travers des machines automatiques de traitement de l’information et unités de mémoire).

Enfin, en ce qui concerne les redevances, licences, mises à jour et droits d’usage, leur coût sera intégré dans la valeur en douane des marchandises importées auxquelles ils se rapportent.

Autres mesures en matière douanière 

D’autres dispositifs douaniers ont été introduits par le législateur, parmi les plus significatifs :

  • L’introduction d’un nouveau mécanisme de dédouanement des produits pétroliers des sociétés de raffinage 
  • La consécration de l’exclusivité de compétence de la Direction générale des douanes en matière de contrôle et de redressement douaniers (contrôle immédiat et après enlèvement) 
  • L’introduction de la possibilité de reprendre un contrôle douanier sur une même période et un même objet auprès du même redevable en cas de découverte d’informations dissimulées au cours des trois dernières années 
  • Les précisions des règles du contentieux douanier
  • Le renforcement des pouvoirs de l’administration douanière dans le cadre de la lutte contre l’incivisme fiscal et des enquêtes douanières

La LF 2018 comporte également de nombreuses innovations en matière fiscale.

Interdiction de déduire les pertes résultant des détournements ou négligence du dirigeant

L’article 7 du Code général des Impôts (CGI) relatif à la détermination du bénéfice imposable prévoyait déjà la déductibilité fiscale des « pertes proprement dites constatées sur des éléments de l’actif immobilisé ou réalisable ». La LF 2018 vient préciser que sont exclues du droit à déduction, les pertes sur ces éléments d’actif consécutives à un détournement commis par un associé ou un dirigeant de l’entreprise ou les pertes imputables à la négligence des dirigeants.

De la même manière, il est prévu à l’article 145 du CGI le reversement de la TVA déduite sur des biens qui ont été l’objet de détournement ou de fraude imputable directement ou indirectement à un associé ou à un dirigeant de l’entreprise.

Précisions sur la documentation prix de transfert à communiquer par les entreprises relevant de la DGE

L’article 18 du CGI prévoyait, d’une part, l’obligation pour les contribuables relevant de la Direction des grandes entreprises (DGE) de déposer (au plus tard le 15 mars de chaque année) un relevé de leurs participations détenues dans d’autres sociétés lorsque ces participations dépassaient 25 % du capital social de ces dernières, et d’autre part, de joindre à ce relevé un état détaillé des transactions effectuées avec les entreprises qui les contrôlent ou qu’elles contrôlent, qu’elles soient situées au Cameroun ou à l’étranger.

La LF 2018 précise désormais qu’il s’agira de joindre à ce relevé des participations une documentation permettant de justifier la politique de prix de transfert pratiquée dans le cadre des transactions de toute nature réalisées avec des entités qui les contrôlent ou qu’elles contrôlent, qu’elles soient situées au Cameroun ou à l’étranger, la notion de contrôle s’entendant ici au sens de l’article L 19 bis du Livre des Procédures fiscales (ci-après « LPF ») (i.e. en cas de détention de plus de 25% du capital ou des droits de vote de la personne morale établie au Cameroun par une entité établie ou constituée hors du Cameroun, ou lorsque c’est la personne morale établie au Cameroun qui remplit ces conditions de détention sur une entité juridique établie hors du Cameroun).

Transfert indirect de bénéfices impliquant une entreprise établie dans un paradis fiscal

La condition de dépendance ou de contrôle normalement requise pour caractériser un transfert indirect de bénéfices entre entités liées, que celui-ci résulte d’une majoration ou d’une minoration de prix d’achat ou de vente ou par tout autre moyen, ne sera plus exigée lorsque le transfert s’effectue avec des entreprises établies dans un Etat étranger ou dans un territoire considéré comme un paradis fiscal (est considéré comme tel un Etat ou un territoire dont le taux de l’impôt sur le revenu des personnes physiques ou morales est inférieur au tiers de celui pratiqué au Cameroun, ou un Etat ou un territoire considéré comme non coopératif en matière de transparence et d’échanges d’informations à des fins fiscales par les organisations financières internationales (article 8 ter du CGI).

Par ailleurs, il convient de préciser qu’il n’est plus simplement fait référence aux entreprises similaires exploitées normalement au Cameroun pour déterminer les profits imposables qui feront l’objet d’éventuels redressements. La référence est élargie puisque sont désormais visées les entreprises exploitées normalement, sans limitation au territoire du Cameroun (article 19 de la LF 2018).

Régime fiscal applicable en cas d’exécution d’une commande publique par un groupement d’entreprises

La LF 2018 introduit un article 116 octies au CGI aux termes duquel il est prévu que, dans le cas de l’exécution d’une commande publique par un groupement d’entreprises, le régime fiscal varie selon qu’il s’agit d’un groupement conjoint ou solidaire.

En cas de groupement solidaire, le marché suivra le régime fiscal de l’entreprise chef de file. A l’inverse, si le groupement est conjoint, l’imposition suit le régime fiscal propre à chacun des membres.

Précision sur le caractère « hors taxe » des contrats de financement

La LF 2018 ajoute un point 3 à l’article 116 Bis du CGI et précise que lorsque dans une convention ou dans un contrat il est stipulé que les financements sont conclus hors taxes, cette notion de « hors taxes » doit s’entendre comme étant exclusivement limitée à la TVA.

Crédit de TVA : simplification des procédures de remboursement de crédit de TVA

La LF 2018 introduit une modification substantielle des règles de remboursement de crédits de TVA (nouveaux articles 149 bis et 149 ter) impliquant un traitement différencié des demandes en fonction du niveau de citoyenneté ou du civisme fiscal du contribuable.

Les conditions de remboursement des crédits de TVA dépendront désormais du profil de risque de l’entreprise tel que défini par la LF 2018, qui est venue ainsi légaliser et préciser une approche jusqu’ici consacrée par la pratique.

Dans le cas où l’entreprise demandeuse présente :

  • Un risque faible: le crédit de TVA sera automatiquement remboursé sans procédure de contrôle de validation préalable. Toutefois, les entreprises à risque faible feront systématiquement l’objet d’un contrôle a posteriori de validation de leurs crédits. En cas de redressement, une pénalité égale à 150 % du redressement est applicable, majorée des intérêts de retard sans plafonnement et sans possibilité de remise gracieuse. Un déclassement de catégorie (i.e. passage de risque faible à moyen ou élevé) étant aussi possible.
  • Un risque moyen: le remboursement ne s’effectuera qu’après vérification et validation des crédits de TVA par l’Administration ; lorsqu’une telle entreprise a bénéficié d’un remboursement de TVA après contrôle et validation, elle fait l’objet d’une vérification générale de comptabilité selon les règles du Livre des Procédures Fiscales (LPF). En cas de redressement faisant suite à ce contrôle, une pénalité égale à 100 % du redressement est applicable, majorée des intérêts de retard sans plafonnement.
  • Un risque élevé: le remboursement n’interviendra qu’après une vérification générale de comptabilité de l’entreprise.

Pour relever du « risque faible », l’entreprise doit remplir les conditions cumulatives suivantes à la date d’introduction de sa demande :

  • Appartenir au portefeuille de la DGE 
  • Ne pas avoir d’arriérés fiscaux, y compris dans le cadre d’un contentieux fiscal 
  • Avoir bénéficié d’un remboursement de crédit de TVA au cours des trois derniers exercices non remis en cause lors d’un contrôle fiscal

Pour relever du « risque moyen », l’entreprise doit remplir les conditions cumulatives suivantes à la date d’introduction de sa demande :

  • Appartenir au portefeuille de la DGE ou des Centres des Impôts des moyennes entreprises 
  • Ne pas avoir d’arriérés fiscaux, sauf dans le cadre d’un contentieux fiscal 
  • Avoir bénéficié d’un remboursement de crédit de TVA au cours d’un exercice fiscal clos non remis en cause lors d’un contrôle fiscal

Les entreprises ne rentrant dans aucune des deux catégories sont considérées comme étant à risque élevé.

Modification et précision du champ d’application de la Taxe Spéciale sur le Revenu

Pour rappel, et sous réserve des conventions fiscales internationales, une Taxe Spéciale sur les Revenus (ci-après « TSR », articles 225 à 228 du CGI) est retenue à la source sur les revenus servis aux personnes morales ou physiques situées hors du Cameroun.

Les principales modifications sont de deux ordres.

Les textes exonéraient de la retenue de la TSR au taux de 15 % certaines prestations de services rendues aux entreprises pétrolières et rattachées aux phases de recherche et de développement.

La LF 2018 (article 225 ter du CGI) a élargi le champ d’application de cette taxe qui couvre désormais les rémunérations des prestations d’assistance, de location d’équipement et de matériel et de toutes prestations de services rendues aux compagnies pétrolières, y compris les rémunérations versées pendant les phases de recherche et de développement (autrefois exonérées). La TSR sera applicable au taux réduit de 5 %.

La LF 2018 a également réduit le taux applicable aux rémunérations versées à l’étranger pour la fourniture de l’accès aux prestations audiovisuelles à contenu numérique. Ces dernières sont désormais soumises au taux réduit de 5 % (versus 15 % auparavant).

Obligation d’être inscrit au fichier des contribuables actifs de la Direction Générale des Impôts pour effectuer des opérations d’importations

Dans le cadre des mesures visant au renforcement du civisme fiscal des contribuables, la LF 2018 introduit un nouvel article L 2 ter au LPF qui précise que les contribuables à jour de leurs obligations déclaratives sont inscrits sur un fichier dit des « contribuables actifs de la Direction Générale des Impôts ». Cet article oblige les contribuables souhaitant effectuer des opérations d’importation à être inscrits sur ce fichier (le numéro d’identification fiscal unique étant devenu insuffisant).

Une défaillance déclarative sur une période de 3 mois consécutifs suffit à exclure le contribuable dudit fichier et l’expose ainsi à une suspension de ses activités douanières.

Précisions des modalités de mise en œuvre de l’Avis à tiers détenteurs

L’article L 71 du LPF prévoyait déjà que les tiers détenteurs devaient verser, en lieu et place des redevables, l’impôt dû par ceux-ci dès lors qu’un avis à tiers détenteur était émis. Toutefois compte tenu du manque de précisions quant aux modalités de mise en œuvre, l’efficacité de cette procédure s’est avérée réduite.

La LF 2018 a ainsi précisé l’application de l’article L 71 en ajoutant que (i) le tiers détenteur doit dès réception de l’avis, notifier le solde du compte du contribuable objet des poursuites, qui sera dès lors affecté au règlement de la dette fiscale du contribuable et que (ii) tout refus de remise des sommes à l’administration fiscale constaté par voie d’huissier entraînera désormais la solidarité de paiement du tiers détenteur.

Le tiers détenteur risque également de se voir appliquer les sanctions prévues à l’article L 104 du LPF, également modifié par la LF 2018. Il encourt à présent une amende de 50 000 000 de FCFA i.e. 76 224 € (au lieu de 5 000 000 FCFA i.e. 7 622 €) ainsi qu’une astreinte de 100 000 FCFA i.e. 152 € par jour.

L’article précise enfin que ces sanctions ne sont pas susceptibles d’atténuation ou de remise.

Autres mesures visant au renforcement des prérogatives de l’administration fiscale

Dans la lignée de ce dispositif, la LF 2018 a introduit un certain nombre de dispositions visant à étendre les prérogatives de l’administration fiscale afin de lutter plus efficacement contre l’évasion fiscale. Les principales mesures sont les suivantes :

  • Confirmation de la possibilité pour l’administration des douanes et l’administration fiscale de mener des contrôles conjoints 
  • Consécration de la possibilité pour l’administration d’exercer son droit de communication du bureau (et non plus uniquement sur place chez le contribuable) dans le cadre spécifique des demandes de remboursement des crédits de TVA et de demande de renseignement réalisées pour le compte d’une administration étrangère 
  • Création d’un échange d’information fiscale régulier entre l’Administration et les organismes publics et privés ; et enfin
  • L’encadrement du droit de visite de l’administration fiscale des locaux et lieux à usage professionnel, ainsi que des terrains et des entrepôts ou des locaux privés appartenant aux contribuables
Jean Bernardini

Jean est avocat et responsable du Desk Afrique au sein de Deloitte Société d’Avocats, il dispose d’une expérience de plus de 10 ans sur les problématiques juridiques et fiscales de […]

Photo de Bara Thiam
Bara Thiam

Bara est un avocat agréé et directeur fiscal au sein de Deloitte Sénégal avec près de 8 ans d’expérience. Avant de rejoindre Deloitte Sénégal, il a exercé en tant qu’avocat […]

Laure-Agnès Mollard-Cadix

Laure-Agnès est Avocat Manager en droit fiscal basée à Paris, spécialisée en droit fiscal français et international. Laure-Agnès a rejoint Deloitte Société d’avocats en 2017, après un stage de 6 mois […]