Avance de trésorerie d’une filiale à sa mère et acte anormal de gestion

L’avance de trésorerie consentie par une filiale à sa mère, quand bien même cette avance aurait indirectement bénéficié aux autres filiales du groupe avec lesquelles la filiale prêteuse entretient des relations commerciales, n’est pas considérée comme consentie dans l’intérêt propre de la filiale.

Par principe, toute entreprise est libre de sa gestion. Les dépenses engagées par une société constituent en principe des charges déductibles pour la détermination de son résultat fiscal dès lors qu’elles satisfont aux conditions générales de déduction prévues par les dispositions de l’article 39 du CGI et qu’elles ne sont pas exclues par une disposition particulière (BOI-BIC-CHG-10-10 n°1).

Les dispositions combinées des articles 38 et 209 du CGI excluent du bénéfice imposable à l’IS les dépenses étrangères à une gestion commerciale normale de la société, à raison de leur objet ou de leurs modalités. Il en va de même pour les dépenses qui ne sont pas exposées dans l’intérêt de l’entreprise.

Si l’Administration est tenue de respecter le principe de non-immixtion dans la gestion des entreprises, elle peut néanmoins remettre en cause les dépenses ne se rattachant pas à une gestion normale de l’entreprise ou n’ayant pas été exposées dans l’intérêt direct de celle-ci, conformément à une jurisprudence constante du Conseil d’État.

Au cours de l’exercice 2006, une société accorde à sa mère une avance de trésorerie. À la clôture de l’exercice 2008, elle constitue une provision pour dépréciation à hauteur du principal non remboursé et aux intérêts restants dus par sa mère, considérant qu’il était probable que celle-ci ne parvienne pas à la rembourser.

À l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur l’exercice 2011, l’Administration remet en cause la déductibilité de cette provision maintenue au bilan de la société. Par la suite, la société n’obtient pas gain de cause devant le TA d’Orléans et fait appel de la décision devant la CAA de Nantes.

En appel, la société avance plusieurs arguments visant à démontrer que l’avance de trésorerie a été consentie dans son intérêt propre en dépit de l’importance du montant et de l’absence de garanties en cas de défaut de paiement :

  • La société fait tout d’abord valoir que l’avance de trésorerie a indirectement bénéficié aux filiales du groupe avec lesquelles elle entretient des relations commerciales.
    Toutefois, la Cour relève également que l’avance en cause a été consentie au bénéfice de la société mère (et non de ses autres filiales) et que la filiale prêteuse n’entretenait aucune relation commerciale avec cette société mère. Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle une entité n’a pas d’intérêt propre à consentir une aide à une société avec laquelle elle n’entretient pas de relations commerciales, son intérêt propre ne pouvant être justifié par son appartenance à un groupe (voir CE, 28 mars 2008, n°277521, SA Clément), elle estime donc que l’avance de trésorerie ne peut être regardée comme ayant été accordée dans son intérêt propre.
  • La filiale fait ensuite valoir que l’avance de trésorerie avait pour objectif de venir en aide à la mère qui faisait face à des difficultés (voir en ce sens CE, 22 janvier 2010, n°313868, Sté d’acquisitions immobilières – absence d’acte anormal de gestion si l’avance est indispensable à la survie de la société mère, dont dépend la survie de la sous-filiale qui accorde l’avance).
    La Cour relève que les difficultés financières de la société mère n’existaient pas au moment où l’avance lui a été accordée et rejette l’argument ainsi avancé par la société. Elle précise par ailleurs que le fait que la mère soit propriétaire de la marque exploitée par la filiale ne suffit pas à justifier l’intérêt propre de cette filiale à éviter la liquidation de sa société mère.

En l’espèce, la CAA de Nantes retient donc que l’avance de trésorerie consentie par la filiale à sa mère, n’est pas réalisée dans l’intérêt propre de la filiale. Elle conclut que cette opération doit être regardée comme étrangère à une gestion commerciale normale.

La Cour rappelle qu’une provision ne peut être constituée qu’en vue de faire face à des pertes ou des charges encourues dans le cadre d’une gestion commerciale normale (CGI, art. 39, 1, 5°), et juge que la société ne pouvait ainsi déduire la provision pour créance douteuse qu’elle avait constituée pour faire face au risque de non recouvrement de la créance qu’elle détenait sur sa mère.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]